Société
Témoignage d'Alexis, militant écologiste exilé
7 mai 2021 - par Angelica Bastidas
"Mon combat contre le changement climatique m'a conduit à migrer, et bien que ce ne soit pas dû à une catastrophe naturelle, je me considère comme un migrant climatique. J'ai fait toutes mes requêtes pour offrir un avenir meilleur aux générations futures".
Un engagement précoce
Colombien aux racines du Guajira et d’Antioquia[1], Alexis partage avec nous son expérience de vie en tant que militant pour la protection de la planète et les droits des personnes les plus vulnérables de Colombie.
Dès son plus jeune âge, Alexis a été lié au secteur public de la ville de Bogotá, la ville où il a vécu jusqu' il y a deux ans, lorsqu’ il a dû quitter son pays pour protéger sa vie. Grâce à son père et à ses liens avec le secteur public, Alexis faisait partie des systèmes de participation citoyenne de sa ville, et a ainsi contribué à créer des comités de service public. Ces comités de service public ont été créés en tant que groupes organisés pour faire des supervisions dans les entreprises qui fournissent des services publics. Avec cette supervision, on a cherché à prévenir le détournement des ressources, par des mécanismes de contrôle social et de participation citoyenne.
Ainsi, une série de recours, qu’Alexis a parfois supervisés, ont été introduits auprès des entités publiques. Alexis nous raconte que, dès l’âge de 11 ans, il se souvient qu’il aidé les citoyens à rédiger des recours devant les entités correspondantes.
Quand Alexis a grandi et après avoir terminé ses études secondaires, il a fait des études universitaires dans l'une des universités publiques de la ville de Bogotá, qui jouit d'un très bon prestige : l'Université du district Francisco José de Caldas. Dans cette université, il a étudié la gestion publique de l'environnement.
Après avoir obtenu son diplôme universitaire, Alexis est entré dans le système des travaux publics. Avec beaucoup d'émotion, Alexis nous dit qu’il a travaillé dans différentes entités gouvernementales telles que l’Agence présidentielle pour l’action sociale et l'Institut Colombien de protection de la famille. Il a également travaillé au secrétariat de l'environnement de Bogotá en tant qu'éducateur. En dernier, il a travaillé au comité de stratification de la ville de Bogotá.
Avec tant d'expériences dans différents secteurs publics et la passion avec laquelle il nous raconte celles-ci, nous avons trouvé intéressant de demander à Alexis comment s'était passée son expérience au sein du secrétariat de l’environnement. Prenant une profonde inspiration, Alexis sourit et répond : « c'était une très bonne expérience ! c'était un travail multicritère ! Il y a deux aspects qui m'ont fait aimer ce travail : d’une part, l'opportunité de transmettre les informations pour sensibiliser les gens sur l’environnement et, d'autre part, le contact quotidien avec les citoyens qui m'a aussi permis de grandir en tant que personne. J'ai vraiment aimé ce travail ! »
Un combat acharné…
Alexis nous raconte ensuite son combat quotidien pour protéger sa ville et comment cela l'a conduit à fuir son pays et à se cacher, au point de ne pas pouvoir nous dire où il habite actuellement.
Tout a découlé de son travail au conseil d'aménagement du territoire. Dans ce domaine, Alexis a dû encourager la participation citoyenne, et contrôler le plan du développement territorial de la ville de Bogotá. Cela semble être un travail sûr et très ambitieux pour Alexis, compte tenu de sa passion pour le travail avec le public.
Alors qu'Alexis exerçait son travail, il a remarqué plusieurs problèmes dans plusieurs projets menés par la ville. Ainsi, le maire de l'époque voulait construire un quartier résidentiel dans la réserve naturelle « Thomas van der Hammen », se situant au nord de la ville. Il ne tenait pas compte du fait que cette réserve abrite une grande quantité de biodiversité et que, pour la ville de Bogotá, elle représente un écosystème très important.
Un autre problème qui l'a poussé à marquer son désaccord était la gestion des biens publics et la manière dont la classe politique élitiste gérait la décharge de « Dona Juana ». La présence et le fonctionnement de ce centre de traitement de déchets solides sont, depuis plusieurs années, controversés et contestés par les militants écologistes. « Le traitement des déchets solides dans la ville de Bogotá peut être amélioré. Il existe différentes options, et pas seulement celle de continuer à agrandir la décharge !». Alexis a alors écrit un rapport, annonçant qu'en raison des mauvaises conditions et du manque de traitement approprié, cette décharge allait exploser. En effet, deux ans après son rapport, la décharge a explosé, provoquant des désastres pour la population.
Confronté à une classe d'élites qui manœuvrait avec les biens publics à volonté, Alexis a poursuivi son combat, dénonçant la mauvaise gestion et l'injustice climatique. Il considère en effet que le gouvernement ne remplissait pas ses devoirs de protection sociale et de protection de l'environnement. Par exemple, ses plaintes contre le gouvernement étaient également fondées sur l'utilisation du glyphosate et d’autres herbicides.
Mais dangereux
Les plaintes incessantes d'Alexis l’ont conduit à des menaces. Il recevait ainsi des coups de téléphone insultants, lors desquels on le menaçait « Celui qui se tait devient vieux ». Avec un sourire sarcastique, Alexis nous raconte : Une fois, il était assis dans un parc avec sa famille, profitant d'une journée ensoleillée. Un homme s'est approché et lui a chuchoté à l'oreille « nous savons déjà où tu habites, qui est ta sœur, et où tes neveux vont à l’école, alors ferme la bouche ». Alexis baisse les yeux et confie : « C’était juste une de ces nombreuses menaces. Mais cette fois, ils m'ont fait savoir que ma famille était en danger à cause de moi pour vouloir défendre les droits de tous. Et à ce moment-là j'ai décidé de partir ».
« Il y a deux ans, j'ai pris une valise avec mon dernier salaire et j'ai quitté mon pays bien-aimé. Même si j'ai voulu risquer ma vie pendant les élections, avec tant d'injustices et de menaces, j'ai préféré fuir pour ma famille, car en Colombie le paramilitarisme n'est pas un jeu! Mon combat contre le changement climatique m'a conduit à migrer, et bien que ce ne soit pas dû à une catastrophe naturelle, je me considère comme un migrant climatique. J'ai fait chaque plainte pour offrir un meilleur avenir aux générations futures. »
Pour finir, Alexis nous laisse sur une réflexion : « Le Changement climatique n'est pas une blague, c'est une vraie menace qui se passe en ce moment, chaque action que nous entreprendrons fera la différence qui nous permettra de survivre ou de mourir, il ne s'agit plus de vouloir recycler ou pas. Il s’agit d’un changement de comportement »
Angelica Bastidas
Avec le soutien de :
[1] Départements colombiens
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