Société
Migration en Belgique : définitions et chiffres
10 décembre 2018
Au milieu de l’hiver belge, la question migratoire refait difficilement surface… mais trop souvent de façon superficielle ! Quelques minutes bien investies pour pouvoir mieux déchiffrer la situation.
Une personne migrante, c’est qui ?
Avant toute chose, il est primordial d’utiliser le vocabulaire adéquat lors d’une telle réflexion. Régulièrement, les analyses sont faites dans l’urgence, sans prendre la peine d’avoir recours aux nombreuses nuances qui existent dans le vocable lié à la thématique.
Le mot « migrant » est le terme le plus générique pour désigner toute personne qui quitte son pays pour chercher à vivre sur un autre territoire, de façon temporaire ou permanente. Les raisons qui poussent un humain à se déplacer de la sorte peuvent être nombreuses, certains faisant le choix volontaire de quitter leur foyer (pour des raisons touristiques, académiques, familiales, personnelles…), alors que d’autres sont contraints au départ par un environnement hostile (persécutions, guerres…).
Un demandeur d’asile, quant à lui, est la personne qui a déjà réalisé son exode en quête de protection et se trouve dans le pays dans lequel il demande refuge. Examiné et interrogé par un organisme lié à l’État dans lequel il se trouve, il doit poursuivre une procédure qui déterminera finalement si la demande est acceptée ou rejetée. S’il est établi que la vie ou la liberté de cette personne est menacée dans son pays d’origine, elle obtiendra le statut formel de réfugié. C’est la Convention de Genève de 1951 qui délimite très clairement les personnes qui peuvent bénéficier de ce statut : il s’agit de tout humain qui craint « avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». Il existe également un statut complémentaire, qui sert à protéger les personnes qui ne répondent pas à la définition de réfugié : il s’agit de la protection subsidiaire. Tous les individus qui risquent de graves préjudices dans leur pays d’origine (peine de mort, torture, traitements inhumains) doivent donc être protégés par le pays d’accueil[1] .
En Belgique, c’est le CGRA (Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides) qui charge ses inspecteurs de juger de la situation d’un demandeur d’asile, d’examiner son histoire personnelle, le contexte socio-politique du pays dont il provient, afin de voir si celui-ci peut bénéficier d’une protection légale. Dans leur fonction, les agents chargés de cette procédure n’ont évidemment pas de place pour la flexibilité dans leur grille d’analyse : les conditions sont strictes et formalisées. Pourtant, la frontière peut être ténue entre une migration « forcée » et une migration « volontaire ». De nombreux exemples peuvent témoigner de la porosité réelle qui existe entre les deux phénomènes. Une personne dénuée d’opportunité, d’espoir et de futur dans son propre pays migre-t-elle réellement par choix ? Quid des réfugiés climatiques, ou économiques ? Comment répondre à ces demandes qui ne sont pas encore encadrées par les traités internationaux ? Un migrant, c’est bien plus qu’un simple statut, c’est une personne au parcours de vie complexe, qui justifie des milliers de kilomètres et d’euros investis dans un trajet souvent dangereux, dans l’espoir de quitter sa terre d’origine.
Quelques chiffres
Malgré le pic de 2015, le nombre de personnes introduisant une demande d’asile en Belgique reste stable dans le temps. Ce nombre est évidemment lié à la situation politique internationale et les différentes crises graves que traversent certaines régions comme la Syrie. Pourtant, malgré ces réalités, la Belgique est loin d’être la championne de l’accueil !
Selon les données d’Eurostat en 2017, la Belgique ne recueille que 0,8% des demandes d’asile européennes, contre 3% pour le Royaume-Uni, 4,14% pour la Grèce, ou encore 10% pour l’Italie. C’est l’Allemagne qui mène la politique d’accueil la plus ambitieuse, avec 60% des personnes demandeuses d’asile au sein de l’Union européenne (soit quelque 722.265 demandes).
À nouveau, il convient de prendre un peu de recul pour observer la tendance mondiale et relativiser la situation européenne. En 2017, c’était toujours des pays en voie de développement qui accueillaient le plus de migrants forcés, avec l’Éthiopie (736.100 personnes), l’Iran (979.400 personnes), le Liban (1,1 million de personnes), le Pakistan (1,6 million de personnes) et finalement la Turquie (avec 2,5 millions de personnes). De quoi relativiser le chiffre de 13.833 personnes qui ont obtenu le statut de réfugié ou la protection subsidiaire en 2017 en Belgique (www.cgra.be).
Au regard de ces chiffres, comment dès lors expliquer le poids que le phénomène migratoire a pris ces dernières années dans notre espace médiatique ? A-t-il été surévalué par les responsables politiques, ou les journalistes en quête d’audimat ? Fait-il écho à des tensions identitaires présentes dans la population belge ? D’où provient la confusion ?
Et l’accueil dans tout ça ?
Après ce rapide regard sur les chiffres mondiaux du phénomène migratoire et les déséquilibres flagrants qui règnent entre les États, il convient d’interroger la pertinence de nos politiques belges et européennes en la matière. Les murs érigés à travers l’Europe n’ont pas freiné ces personnes en quête d’un avenir serein. Les routes n’en sont devenues que plus mortelles. Pour l’année 2016, on décompte plus de 6.363 décès ou disparitions, rien qu’en Méditerranée…
Et chez nous ? La situation est devenue inquiétante pour de nombreux migrants, avec les fermetures de places d’accueil individuelles, la précarisation du statut de réfugié (devenant davantage flexible et temporaire), les rafles au sein des groupes migrants laissés à la rue, ainsi que les campagnes de communication et de dissuasion pour limiter un « appel d’air » spéculatif, qui n’a encore jamais été démontré.
Certaines voix s’élèvent pour dénoncer les priorités du gouvernement. Au-delà de l’exercice de communication délétère auquel se livrent certains ministres, le gouvernement souhaite désormais mettre sa priorité budgétaire dans la lutte contre la migration. Si cela peut sembler vain et inapproprié, celui-ci a même eu l’audace de mettre ces opérations à charge du budget… de la Coopération au Développement.
Face à l’attitude de fermeture du gouvernement belge, ce sont les citoyens qui ont pris le relai. Les communautés de solidarité s’organisent, sur internet (plusieurs milliers d’adhérents sont désormais rassemblés sur les réseaux sociaux) comme dans la rue, pour prendre en charge les personnes qui sont exclues des systèmes d’accueil des autorités belges. Ces personnes offrent, pour une nuit au moins, un refuge, un toit, un repas. Si cela redonne foi dans l’altruisme et l’engagement citoyen, il ne faut pas pour autant idéaliser la situation : rappelons bien qu’à nos yeux, cela reste le rôle de l’État belge de prendre en charge de façon adéquate ces personnes qui sont à la rue pour tout l’hiver.
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