Société
A Ixelles, une maison aux carrefours des cultures
27 juillet 2018
© Amadeo BOSSER
Quiconque a déjà posé le pied à Bruxelles a tout de suite compris qu’il pénétrait dans une mosaïque urbaine faite d’une large palette de couleurs, de langues et de cultures. Mais vivre à côté de quelqu’un ne signifie pas nécessairement vivre avec lui. Que de nombreuses personnes de nationalité différente peuplent Bruxelles est un fait avéré, mais toutes ces personnes se rencontrent-elles ? Communiquent-elles ensemble ? Une petite plongée dans la commune d’Ixelles, à la Maison de l’Amérique Latine, donne déjà quelques réponses.
C’est à Ixelles, entre la place Fernand Coq et la Place Flagey, que se trouve la Maison de l’Amérique Latine. Ce centre culturel dédié à la promotion de la culture Latino-Américaine organise chaque année le « Créart-Arawi », un évènement ayant pour but de montrer en un weekend le résultat des ateliers de l’année. Tango, Salsa, Capoeira, ateliers de peinture, et même diffusion des matchs de la coupe du monde : il y en a pour tous les goûts. C’est l’occasion pour nous de rencontrer des membres de l’organisation et du public afin de leur demander ce qu’ils pensent de la convivialité au sein de leur quartier.
Catherine, vingt-deux ans, est active à La Maison de l’Amérique Latine en tant que bénévole depuis quelques mois. Elle nous explique avoir choisi de s’engager dans ce centre afin de pouvoir mener un travail de terrain dans le cadre de ses études en sociologie. Le sujet de ce travail portant sur la communauté péruvienne dont elle est originaire, c’est tout naturellement que Catherine s’est dirigée vers la Maison de l’Amérique Latine. Sa première surprise a été le public rencontré lors de son bénévolat :
« Le public ici est très varié, beaucoup plus que ce que je n’aurais imaginé. Il n’y a pas que des Latino-Américains qui viennent ici, mais également énormément de Belges ou d’autres nationalités. A tel point que je ne sais parfois pas quelle langue parler entre le français et l’espagnol. C’est un vrai lieu de brassage, et contre toute attente, il m’est difficile de rencontrer ici des Péruviens. Ce public est encore élargi par deux facteurs : la diffusion des matchs de football sur grand écran et les programmes destinés aux sans-papiers. »
N’habitant pas Ixelles, Catherine nous indique cependant qu’en tant qu’observatrice extérieure, le quartier semble être multiculturel et très jeune, tout en offrant un cadre agréable pour toutes les générations.
Même constat chez Sarah, vingt-et-un an, qui travaille depuis deux mois en tant que réceptionniste au sein de l’association. Tout comme la Place Dailly où elle habite désormais, Ixelles est un quartier réputé pour abriter une large communauté latino-américaine. Sarah, qui a poursuivi ses études à Ixelles, nous dit trouver le quartier particulièrement accueillant pour les « Latinos » et le désigne de manière générale comme étant « un quartier vivant où tout est fait pour que les gens se rencontrent ». Etant d’origine algérienne, c’est aux côtés de ses amis latino-américains que Sarah a appris l’espagnol, langue qui lui a ouvert les portes de sa nouvelle expérience professionnelle et qu’elle a désormais l’occasion de pratiquer et peaufiner.
Connaître différentes langues est un élément important de la vie sociale à Ixelles. Selon Vanessa, belgo-italienne de 32 ans, si l’interculturalité est omniprésente dans le quartier, il est primordial de parler des langues comme l’anglais ou l’espagnol afin de ne pas rester limité à une dimension strictement belge francophone.
« Pour moi Ixelles est un quartier vivant où l’on peut retrouver des amis et revoir des connaissances. Ce n’est pas pour autant un endroit où il est forcément facile de faire de nouvelles rencontres. Les centres culturels comme la « Maison de l’Amérique Latine » ou l’« Elzenhof » sont sur ce point là très utiles. Les cours de salsa par exemple sont accessibles à tous les niveaux et permettent de rencontrer des personnes de tous horizons, qu’ils soient latino-américains, français ou allemands. Il existe également d’autres lieux conviviaux comme les résidences d’artistes et les marchés ».
Concernant ce dernier point, Vanessa précise :
« Une des caractéristiques principales de ce quartier est selon moi la manière de consommer. On peut percevoir ici une tendance à la « bobo-isation », dans un sens plutôt positif, les gens se fournissent de plus en plus dans les marchés ou les filières éthiques et biologiques plutôt que dans les supermarchés classiques. Cela leur permet de rencontrer les producteurs et de donner un sens à leurs achats. Cette manière de consommer est créatrice de liens et affranchit ses participants du rôle passif de simple client ».
David, le directeur de la Maison de l’Amérique Latine, semble également partager cette conception du lien citoyen. Outre la mission de faire connaître la culture sud-américaine à Bruxelles, son organisation a également pour projet de faciliter l’intégration des nouveaux arrivants issus de cette communauté. Cette intégration passe prioritairement par un engagement dans la vie de quartier. Il nous résume le message qu’il veut donc faire passer à ce public :
« Le fait d’avoir des papiers n’est pas l’aboutissement mais bien le commencement du chemin, car il vous faut maintenant débuter un processus d’intégration critique afin de devenir des citoyens critiques ! Entamez des études, rejoignez une association de parents d’élèves, engagez-vous politiquement ! Ne vous limitez pas à consommer de façon ostentatoire mais revendiquez votre place à Ixelles via un processus participatif. Prendre l’espace public, c’est faire partie du quartier ! »
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