Société
Cyrille, éleveur et agriculteur bio, à contre-courant du profit à tout prix
21 janvier 2014
© Amandine Kech
Éleveur dans la ferme bio familiale, Cyrille Willock est passionné d'agriculture. A 19 ans, il s'associait à ses parents et amenait pas à pas leur ferme vers le bio et la vente directe. Aujourd'hui, a 25 ans, il considère qu'il s'agit des meilleurs moyens pour vivre honnêtement du métier d'éleveur et pour recréer du lien social, en marge de l'agro-industriel. Moi-même petite fille d'agriculteurs, je connais les difficultés du métier … Alors qu'est-ce qui anime Cyril ?
Le bio et la vente directe : des solutions aux difficultés rencontrées dans l’agro-industriel
Je rencontre Cyrille dans le cadre du Salon Valériane, un salon du bio annuel à Namur où l’on trouve une foule d’agriculteurs, d’éleveurs, d’apiculteurs, de traiteurs… La famille de Cyrille y tient un stand où l’on peut acheter les produits de leur ferme, du fromage par exemple.
«Le système de l’agriculture industrielle ne permet pas de vivre honnêtement de son métier, alors on s’est pris en main, nous avons trouvé des solutions ! » déclare Cyrille. Dans la ferme des Willock, on élève des vaches, des brebis, des chèvres, des moutons, des poules et des cochons. Cyrille s’est associé à ses parents il y a 6 ans. La ferme n’était pas bio, mais Cyrille a amené une réflexion sur cette manière de produire et la ferme s’y est engagée pas à pas.
Selon l’expérience de Cyrille, la vente directe au consommateur est vraiment valorisante. Premièrement, le produit est vendu et acheté à un prix honnête. Deuxièmement, c’est très encourageant car les clients reviennent, ils sont contents du produit, ils remercient, et cela fait plaisir au producteur. Le contact avec les consommateurs est très gratifiant : « Je connais les personnes qui mangent ce que je produis ».
Dans l’agriculture industrielle, toute la chaine d’approvisionnement est morcelée et finalement, au supermarché, on achète un produit sans connaitre sa provenance. Pour soutenir leur façon de produire, il faut acheter à la ferme. Cyrille m’explique : « ce qu’on vend en grande distribution sous l’appellation « produit du terroir », n’est pas du terroir. Le vrai produit du terroir, c’est celui qu’on achète à la ferme ». En réfléchissant à leurs achats, les consommateurs peuvent favoriser l’agriculture locale. Et si on habite en ville, qu’est-ce qu’on fait ? « Nous livrons à des groupes d’achats communs (GAC) en ville qui favorisent également les liens sociaux. »
A 18 ans, pourquoi Cyrille s’est-il lancé dans un métier réputé physiquement pénible et contraignant ?
« J’aurais pu décider de faire des études…Mais j’avais le feu sacré, la passion pour l’agriculture »
Ce que Cyrille aime dans son métier : la vie au grand air et la diversité des activités. « Je sais pourquoi je me lève le matin, je suis content et je ne regrette pas mes choix. Mais ce sont de longues journées, je ne compte pas mes heures de travail : je me lève à 5h30 du matin et je termine vers 20h, c’est un rythme de travail très élevé. Mais ça ne me dérange pas. Le revenu n’est pas élevé vis-à-vis du nombre d’heures de travail mais je ne cherche pas à faire de gros bénéfices pour me remplir les poches. Je veux simplement vivre honnêtement de mon métier.
Une autre de ses difficultés est qu’il travaille avec du bétail. Si une bête tombe malade ou meurt, ce n’est pas facile à vivre, mais il faut faire avec. Il ne peut pas se permettre d’être pessimiste.
Cyrille travaille avec ses parents. Sa maman s’occupe de la transformation du lait en fromage et il l’aide parfois. Son père et lui s’occupent du reste de la ferme. Ils travaillent en famille, ils vont dans la même direction. Ils n’ont pas toujours besoin de parler pour savoir ce qu’il faut faire. Par contre, s’ il y a un problème, ils prennent le temps d’en parler. Ils n’ont pas toujours les mêmes points de vue, alors ils discutent et cherchent une solution qui satisfasse chacun. « C’est en cherchant qu’on devient ingénieux…pas besoin d’être ingénieur pour être ingénieux ! »
Les défis de Cyrille : changer le système dans l’agriculture
« Continuer la ferme telle qu’elle est, ne pas perdre l’essence du métier et la passion qui m’anime », voici les premiers challenges de Cyrille. Selon lui, l’argent et le profit ont été mis au centre du système de l’agriculture, et la société est de plus en plus individualiste. « S’il n’y a plus d’agriculteur un jour, on se rendra compte que l’argent ne se mange pas. » Cyrille n’attendra pas du milieu politique que les représentants trouvent des solutions. « Si le système ne va pas, il faut trouver le courage et il faut le changer par nous-mêmes. » Cyrille souhaite faire des émules en agriculture bio et familiale. « J’espère qu’on va créer un nouveau système en agriculture. »
Je suis heureuse d’avoir rencontré Cyrille et d’avoir perçu, à travers son témoignage, toute la passion et l’énergie qu’il met dans son métier. Je pense à mes grands-parents agriculteurs qui ont eu des fermes « à taille humaine » et ont traversé beaucoup d’épreuves pour les tenir à flot. Aujourd’hui, si l’agriculture familiale persiste, c’est grâce notamment à des jeunes passionnés comme Cyrille.
La production agricole et l’élevage sont des enjeux wallons, belges, européens et mondiaux. Au Nord comme au Sud de la planète, les agriculteurs et les éleveurs se battent jour après jour pour faire subsister un mode de production local et de qualité. Ils prennent le temps de produire, prenons le temps de consommer de manière responsable.
Pour aller plus loin : « L’agroécologie, la voie du futur ? » (texte de la Commission Justice et Paix)
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