Société

Chronique d’un jeune confiné

18 novembre 2021 - par Colin Bertrand

Deux-mille-vingt, année confinée. Deux-mille-vingt, jeunesse sacrifiée. Deux-mille-vingt-et-un, une année confinée et maintenant on attend...

 

On subit l'incompétence des dirigeants qui vident les amphis et nous obligent à rester cloîtrés dans nos vingt mètres carrés. Ils n'imaginent pas qu'ils tirent une balle dans l'pied de tous ces étudiants fauchés, obligés d'taffer pour s'payer un minerval claqué. Ils n'imaginent pas c'que c'est que d'être fauché et d'bouffer des panzanis everyday. Ils n'imaginent pas qu'tout l'monde n'a pas les moyens d's'octroyer un PC pour bosser ses cours d'comptabilité.

En fait, ils n'imaginent pas c'que c'est qu'de vivre dans la réalité.

Plus l'occasion d'voir les potes, sauf si t'as 250€ à péter, les amendes sont salées. T'es obligé d'tiser tout seul pour pas sombrer, parce que tu t'emmerdes et qu't'as envie d'te flinguer. Les bars, les restos, les cinés, c'est du passé, oublié. T'as vingt piges mais t'es contraint d'vivre la crise d'la quarantaine. Et tourner en rond, Dieu seul sait où ça nous mène. On s'démène pour chasser les pensées malsaines qui nous rongent l'abdomen. On s'laisse entraîner dans les bas-fonds d'l'âme humaine, à regarder le stèmsy s'anémier. Pareil à un trou noir, il nous tire vers le vide. Vide comme l'existence, vide comme nos verres à quatre heures quand la fatigue finit par rompre nos insomnies.

Deux-mille-vingt, deux-mille-vingt-et un, années confinées. 

Deux-mille-vingt, deux-mille-vingt-et-un, jeunesse sacrifiée.  

Au début, on s'disait « c'est bon, ça va vite passer », mais force est d'constater qu'on s'est tous plantés. Les confinements s'enchaînent plus vite que rails de C dans les sinus d'un junky désaxé. Et, moi j'te l'dis, frère, les coupes budgétaires et la crise sanitaire riment avec le décrochage scolaire. On va laisser une génération d'misère. Covid par-ci, Covid par-là, plus personne pour étudier les enjeux d'ici-bas. On peut s'mettre sur la gueule pour du PQ mais ça solutionnera pas les enjeux liés au climat. 

Et puis, tu vois bien l'miroir des inégalités s'refléter à chaque émission télé. Comme si les ministres pouvaient comprendre c'que c'est que d'vivre isolé dans la précarité, d'pas avoir de jardin pour respirer, d’asphyxier, d'expérimenter la vie du poisson rouge dans un bocal à compter les minutes pour chasser les pensées d'une issue fatale. Faut dire que moi, j'me sens pas tranquille quand j'vois tomber une pluie diluvienne d'arrêtés débiles. Puis quand on m'balance de prendre mon kayak, j'avoue que j'ai juste envie d'les noyer au fond d'un lac. Ou d’embarquer mon hamac, mon bivouac et d'me barrer loin d'cette société qui de tous les côtés craquent. 

Deux-mille-vingt, deux-mille-vingt-et-un, années confinées. 

Deux-mille-vingt, deux-mille-vingt-et-un, jeunesse sacrifiée.  

On constate jour après jour, nos libertés s'restreindre, à s'demander jusqu'à quel point on se laissera contraindre. Ma jeunesse j'la voyais briller d'mille feux, j'rêvais d'mes études, des guindailles, de rencontres mais j'étais à des lieues d'envisager que sortir d'chez moi s'rait un vœu pieu.

Enfin j'avoue que j'me plains alors que la situation est bien pire pour toute une frange d'la société. J'pense aux entrepreneur.se.s, aux infirmier.ère.s, à toutes les personnes de contact, à tous ceux qu'l'état n'a pas jugé essentiels, aux artistes, aux chanteur.euse.s, aux marginaux. J'pense aussi aux demandeur.euse.s d’asile : peu chaut à nos politiciens qu’ils aient souffert la misère et la privation dans leur exil, Le secrétaire d’Etat ne lèvera pas un pouce pour rendre leur vie plus facile. Les portes de l’Office National des Étrangers sont restées longtemps closes… Et tant pis pour les démunis quand l'télétravail s’impose. 

Deux-mille-vingt-et-un, année confinée et maintenant on attend...

On attend deux-mille-vingt-deux, dans l'espoir d'un soulèvement.