Société
Chargeur, un métier oublié ?
19 janvier 2022 - par Lucie Breyer
« Chargeur », ce métier ne vous dit peut-être rien. Plus communément appelé·e·s éboueurs ou éboueuses, iels ont un rôle indispensable dans notre société, et pourtant parfois, comme Kevin me l’a raconté, iels ont l’impression d’être oublié·e·s.
Kevin a 21 ans. Bruxellois d’origine, il travaille depuis quelques mois comme chargeur chez Bruxelles-Propreté. Pour moi, le métier de chargeur fait partie de ces métiers invisibles, qui sont présents tout autour de nous, mais que l’on ne voit même plus. Lors d’une rencontre, il m’a expliqué en quoi consiste ce métier souvent oublié et parfois méprisé.
Être chargeur ?
Les chargeurs·euses[1], ce sont celleux que l’on appelle communément les éboueurs·euses, et qui ramassent les sacs poubelles et les mettent dans le camion.
Kevin est arrivé dans ce métier un peu par hasard, il a entendu quelques personnes en parler autour de lui et connaissait également quelqu’un travaillant chez Bruxelles-Propreté Il s’est alors lancé dans ce nouveau projet de carrière et effectue actuellement son « stage first ». C’est un stage de 6 mois qui devrait lui permettre d’obtenir un contrat. Comme il le dit, il prend cette opportunité de stage first comme une chance de s’assurer un travail stable pour la suite.
Comment se passe une journée de travail ?
Lors de notre rencontre, Kevin m’a détaillé une journée-type de travail. Il commence à 5h30 lorsqu’il arrive au dépôt. Il se change, prend un petit café et puis le camion démarre du dépôt à 6h pile. Kevin et ses collègues rejoignent alors leur premier plan, c’est à dire la première zone où ils vont ramasser les sacs. Ensuite, ils vont vider le camion afin de pouvoir repartir sur leur deuxième plan. Ils sont souvent de retour au dépôt vers 11h, et après une bonne douche, ils ont terminé leur journée de travail.
Bien que le temps de travail en lui-même soit plus court qu’une journée de travail de 8h, il faut bien réaliser que c’est un travail très physique qui use beaucoup le corps. Kevin mentionne notamment le fait de soulever l'équivalent de plusieurs tonnes de déchets par jour et bien souvent de devoir courir à côté du camion. Il m’explique que lui, étant jeune, prend cela comme un sport matinal. Cependant, plusieurs de ses collègues plus âgés ont des problèmes de dos. Pour cette raison, en général à partir de 35-40 ans,ils ne travaillent plus en tant que chargeurs. Ils deviennent alors plutôt chauffeurs ou balayeurs.
Quelle relation avec les gens ?
Le côté physique du métier n’est pas la seule difficulté à laquelle doivent faire face les chargeurs. Kevin m’a donné quelques exemples qui mettent en avant le maque d respect consient ou inconscient, de certain·e·s citoyen·ne·s vis-à-vis des chargeurs et des agents de propreté en général.
Il m’explique par exemple que certaines personnes ne respectent pas les règles de remplissage des sacs poubelles et veulent mettre plus que le poids autorisé. Les sacs sont alors laissés ouverts afin de pouvoir les remplir davantage. De ce fait, ils peuven se déchirer et des déchets se retrouvent sur la voie publique. C’est normalement aux chargeurs de ramasser tout ce qui est tombé.
Certains enduisent leur sacs de savon liquide, afin que les renards ne viennent pas fouiller dedans. Cependant, cela rend difficile le portage des sacs pour les chargeurs.
Il a également déjà trouvé des sacs poubelles remplis de bouteilles en verre, ce qui est normalement interdit. Cela peut être dangereux et peut blesser les chargeurs lorsqu’ils prennent et portent les sacs jusqu’au camion.
Certaines personnes attendent aussi parfois le dernier moment pour mettre leurs sacs devant chez eux, au risque de le faire après le passage du camion. Beaucoup de gens l’ignorent sûrement, mais le fait qu’un sac reste sur la voie publique peut valoir aux chargeurs une sanction, via ce qu’ils appellent un bulletin de signalement. Kevin m’explique que dans son cas, un bulletin de signalement peut signifier qu’il n’aura pas droit à un contrat par la suite.Cela peut donc être lourd de conséquences pour les chargeurs.
Et puis, il ne faut pas oublier les automobilistes qui sont souvent énervé·e·s par la présence d’un camion devant eux·elles. Iels klaxonnent et tentent parfois de dépasser le camion dangereusement au risque de renverser les chargeurs.
Tout ceci n’est qu’un échantillon de tout ce à quoi Kevin fait face au quotidien. Il m’a lui-même affirmé : « les gens ne pensent pas à nous, c’est un métier oublié ». Il a parfois l’impression que les gens considèrent le métier de chargeur comme un sous-métier.
Mais tout n’est pas négatif ! Il y a parfois des personnes qui apportent de la bonne humeur aux chargeurs. Kevin me raconte qu’un matin, une personne est sortie de chez elle lors du ramassage de ses sacs poubelles, en le remerciant et lui souhaitant une bonne journée. Il m’avoue que la reconnaissance et la gentillesse de cette personne à son égard lui a fait très plaisir.
Et s’ils n’étaient plus là ?
On a du mal en effet à imaginer un monde où il n’y aurait plus d’agents de propreté. Pourtant, cela arrive que les agents de propreté, dont les chargeurs, fassent grève durant quelques jours, voire quelques semaines. On a pu observer lors de ces grèves les conditions dans lesquelles les villes et les citoyen·ne·s devaient alors vivre. On a notamment en tête la récente grève des services de collecte des déchets à Marseille[2]. Cela prouve à quel point ces métiers sont indispensables dans notre quotidien. Il faut donc prendre conscience de leur importance et leur accorder la reconnaissance qu’ils méritent. Cela passe en premier lieu par du respect lors du triage de nos poubelles.
[1] Dans la suite de l’article, j’utiliserai uniquement le terme « chargeur » au masculin, car il n’y a aucune femme exerçant ce métier dans le dépôt où travaille Kevin.
[2] Souman T., Perrin P-J., Pirosa E., « Marseille : les éboueurs sont en grève dans toute la métropole », France Info, le 27/09/2021, disponible sur https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/marseille-les-eboueurs-en-greve-dans-toute-la-metropole_4786577.html, consulté le 01/12/2021
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