Relations
Couples mixtes, l'enrichissement au-delà du déchirement
23 septembre 2016
© Noura
Noura est une jeune fille dont la mère est belge et chrétienne et le père est tunisien de confession musulmane. Elle témoigne de son vécu en tant que fille issue d'un couple mixte au niveau des convictions religieuses. Une manière de s'intéresser au thème complexe des identités composées.
C’est au cours d’une belle journée ensoleillée, dans un bar du centre bruxellois, que j’ai rendez-vous avec Noura, jeune étudiante de dix-neuf ans en psychologie à l’Institut Marie-Haps. Fille d’une maman chrétienne et d’un papa musulman, ses parents prennent part depuis à peu près cinq ans à des réunions entre couples mixtes. « Je trouve ça intéressant quand il y a d’autres enfants qui viennent, ça permet de percevoir qu’on n’est pas seule dans sa situation », nous révèle la jeune fille qui ne prend pas toujours part aux réunions, avant tout destinées aux couples. Ces rendez-vous ont lieu depuis bientôt vingt ans. Les couples mixtes se réunissent chez l’un des membres, souvent à l’occasion de repas, comme lorsqu’ils rompent le jeûne lors du ramadan, par exemple. C’est surtout la mère de Noura qui voulait se rendre à ces réunions:
« Elle trouve ça intéressant de se rendre compte que d’autres personnes peuvent être confrontées aux mêmes problèmes. Mais aussi parfois se rendre compte que tel problème n’est pas spécifiquement dû à la religion mais est inhérent au couple ».
La religion, une question qui ne s’est jamais posée
D’aussi loin que Noura se souvienne, elle s’est toujours sentie musulmane. Un choix que l’on aurait pu penser cornélien avec une mère chrétienne et un père musulman mais il n’en est rien :
« J’ai suivi comment je me sentais, la question ne s’est jamais vraiment posée pour moi ».
Noura estime donc ne pas avoir dû véritablement opérer de choix au niveau de sa croyance religieuse. Dans sa famille, sa sœur ne s’est tournée vers aucune des deux religions alors que son frère a approfondi sa foi musulmane plus tardivement. Pour Noura, cette situation familiale est gage d’une certaine ouverture d’esprit au niveau religieux :
« Ca m’a permis de voir ce qu’était la religion chrétienne, de me débarrasser de certains préjugés ».
Mais qu’en est-il des fêtes de famille ? Si la jeune fille ne fête pas Noël religieusement, elle le voit comme « une occasion de célébrer en famille ».
Une identité composée
Si Noura n’a jamais ressenti son engagement à l’islam comme un choix conscient, elle croit néanmoins en la notion de double identité. Cette identité double, elle la ressent moins au niveau de sa préférence religieuse qu’au niveau de ses origines :
« Mes origines, c’est mes racines, c’est moi. C’est vraiment une double identité : mi- arabe, mi- belge. Alors que d’un point de vue confessionnel, même si je n’ai jamais ressenti mon identité musulmane comme résultant d’un choix conscient, si je voulais, je pourrais changer de religion ».
Néanmoins, elle confie qu’au sein des couples mixtes et de leurs enfants, certains ressentent cette double identité au niveau religieux.
Elle trouve aussi que c’est important de trouver un équilibre entre ses deux origines, « certaines personnes répriment plus une origine qu’une autre ». Noura estime avoir trouvé cet équilibre, même si naturellement elle est plus à la recherche de « son côté tunisien » vu qu’elle a des contacts moins fréquents avec la famille de son père qui se trouve en Tunisie :
« Je veux montrer que j’appartiens à la famille de mon père, j’ai moins à prouver du côté de ma mère ».
Malgré ce sentiment de double identité, la jeune fille précise qu’elle n’est pas dédoublée : « ce sont deux identités qui n’en forment qu’une ».
Le poids du regard des autres
Sur le plan personnel, Noura vit sainement sa situation familiale. La difficulté provient bien souvent du regard que portent les autres sur son arrangement familial :
« Certains ont du mal à imaginer qu’on puisse avoir une vie normale tout en étant issue d’un couple mixte. Certaines personnes pensent que quand on vient d’un couple mixte, on sera perturbée. Ça me blesse mais je ne leur en veux pas. Ils ne savent pas. Ils pensent que l’enfant sera contraint de faire un choix qu’il vivra comme un déchirement ».
Pour elle, cela n’a jamais été un déchirement, une scission, cela s’est toujours fait naturellement.
Une situation enrichissante
Si l’éloignement de sa famille côté paternel est parfois vécu difficilement, elle trouve néanmoins sa situation familiale très enrichissante. Elle encourage d’ailleurs le mélange des origines et des cultures :
« Je n’ai pas du tout vécu ça comme un déchirement. Ce n’est que du positif ».
Preuve s’il en faut du caractère positif de sa situation familiale : le choix de ses parents de privilégier la mixité religieuse au sein de leur couple a pu leur paraître difficile à porter et parfois douloureux dans certaines circonstances. Mais, au final, cela a été une source d’enrichissement, par exemple pour sa maman qui fait aujourd’hui partie d’une association - El Kalima – oeuvrant pour le dialogue entre musulmans et chrétiens.
Le témoignage de Noura montre que les enfants et adolescents qui grandissent au contact de diverses cultures peuvent faire coexister en eux-mêmes de multiples codes, normes ou convictions. Cette combinaison des références ne se fait pas toujours sans difficultés : certains jeunes traversent des conflits de loyauté. Mais ce n’est pas le cas de Noura, qui exprime le développement harmonieux de sa vie, une vie équilibrée entre diverses appartenances.
-
23 novembre 2024
Représentation Balle Perdue - Anderlecht
La troupe Magma vous invite à sa première création de théâtre-Action : « Balle perdue » ! Une pièce qui questionne l’injustice des violences policières, nourrissant la réflexion et proposant des pistes d’action.
-
Zaïna : entièrement Belge, complètement Congolaise
Peut-on composer son identité de diverses appartenances ? Du rejet à la reconnaissance, entre milieu ouvrier et collège huppé, Cuba et Uvira, Zaïna Assumani nous raconte une construction éprouvante et passionnante : celle de son identité métissée. Au regard qui questionne son origine, Zaïna donne sa réponse, ses réponses.
-
Luc Van Damme, enfant mulâtre
Mulâtre : nom donné aux métis pendant l'époque coloniale. L'histoire a complètement occulté le traitement des enfants métis dans les colonies belges. Pour ce numéro consacré aux identités multiples, j'ai rencontré Luc Van Damme, né au Rwanda de l'union entre un père belge et une mère rwandaise. Son histoire, qui a changé ma compréhension de la question des identités, pourrait intéresser non seulement notre société métissée, mais aussi les jeunes qui y vivent.
-
Identité : une évolution perpétuelle
Fille d'une mère allemande chrétienne et d'un père marocain musulman, Jasmina Kadi est athée et poursuit des études européennes à Bruxelles. Un contexte singulier pour cette jeune femme de 25 ans à la curiosité aiguisée, qui retisse le fil de ses origines en construisant pas à pas sa propre identité.