Nord/Sud

SLAMS / Déconstruire les centres fermés

9 janvier 2020

© Abdourahmane Dieng alias Pape

 

BARREAUX

C’est quoi ce ghetto isolé ?

C’est quoi ce silence de cimetière ?

C’est quoi des gens "différents" ?

C’est quoi, c’est quoi, c’est quoi, … ?

Je ne comprends nin cette soumission

Des gens tristes

Des gens désespérés

Des gens, des gens, des gens, …

La nuit toujours noire pour eux

Que font les médias ?

Que font les médias ?

Pas de liberté derrière les barreaux

La vie est plus qu’amère : c’est de la merde, mon pote !!!

C’est quoi, c’est quoi, c’est quoi, … ?

L’histoire nous le dira

C’est quoi la liberté ?

C’est quoi la liberté ?

Alfred Loua

        

 

Béton

Dur, dur comme écrire un texte long

Dur, dur comme la distance qui sépare nos cloisons

Dur, dur comme le temps qui passe à travers les saisons

Dur, dur comme les problèmes liés à l’immigration

Dur, dur comme la plume, léger comme le goudron

Dur, dur de garder le sourire dans ces conditions

Dur, dur comme le silence, léger comme le son

Dur, dur comme les murs de ma prison

Dur, dur comme un mur de béton.

Chris Mashini

              

 

Ils rêvaient de vivre libres

Ils voulaient être parmi les hommes libres dans ce monde de tout.

Ils ont trouvé d’autres personnes qui ont décidé autrement.

Ils cherchaient le soutien de l’Union européenne.

Ils ont trouvé l’abandon, le rejet, et le mépris de certains dirigeants.

Ils rêvaient à une vie décente dans ce monde.

Ils ont trouvé la police qui leur a dit non.

Ils voulaient la vie et le droit comme tout le monde.

Ils ont trouvé les barrières qui séparent le père de son enfant, la mère de son enfant.

Ils rêvaient de bien-être, de bonheur et de confort.

Ils ont trouvé l’enfer, le dégoût et l’angoisse.

Ils voulaient vivre en paix, ne plus fuir la peur d’être emprisonnés, torturés, tués.

Ils ont trouvé la peur d’être attrapés et expulsés.

Ils rêvaient à un monde meilleur où on les accepte comme ils sont.

Ils ont trouvé un monde complètement à l’opposé de leurs rêves et de leur idéologie.

Ils cherchaient un coin de ciel sans balles et sans fumées.

Ils ont trouvé une terre par l’égoïsme asséchée.

Ils rêvaient de liberté.

Ils ont trouvé les grillages des centres fermés.
 

Texte collectif écrit par l’atelier d’écriture de la Voix des Sans-Papiers de Liège, avec

Alfred, Jean, Nafiou, Soumah, Pape, Adam, Vincenzo, Robert, François et Liliane

        

 

La résilience

La résilience,

Il en faut quand on y pense.

Il en faut pour se lever, évoluer et surmonter

Ses erreurs du passé.

Alors imagine, être enfermé toute la journée, pour avoir commis le crime d’exister.

Je ne sais pas ce que tu en penses.

Moi, ça me donne envie de rejoindre la résistance.

Ce qu’on en pense ne changera rien

Car leur souffrance leur appartient.
 

Youness Souilem

                 

 

Le vide

Au début le regard vide

Je regarde rouge et noir

Mais tout autour de moi, c’est vide

Être entouré de murs, je sens le vide

Politique raciste, politique stupide

Dans un centre fermé : hommes, femmes et enfants crient, mais en silence

Leurs voix, on ne les entend pas, elles sont dans le vide

La volonté de sortir, partir et laisser derrière, ce VIDE

Je me rappelle de cette femme au regard calme, qui me dit: "Ne sois pas triste… N'aie pas peur du temps, ça passe rapidement, c’est vrai on est dans un centre fermé"

"S’ils nous enferment physiquement, nos esprits sont libres"

Est-ce comme ça qu’on va détruire ce vide ?

Rabia Benkh

                

 

Oublié(e)s

Je vois le ciel,

Et le bitume,

Une caméra,

J’ai pas de thune

Matin, midi, soir,

Même paysage,

Matin midi soir,

Peu importe l’âge               

Je vois le ciel,

Et le bitume,

Une caméra,

J’ai pas de thune

J’veux voler,

Comme un oiseau,

Caresser l’eau,

Comme un bateau

Matin, midi, soir,

Même paysage,

Matin midi soir,

Peu importe l’âge

Répétitions,

La même chanson,

DO RE MI FA…Et, j’touche le sol

Répétitions,

La même chanson,

DO RE MI FA… à quand mon bol ?

Je vois le ciel,

Et le bitume,

Une caméra,

Toujours pas de thune

Gloria Mukolo

                

 

Parasites

Dans ma cellule, la folie me guette.

Un œil pour pleurer, un œil pour défier

Je me souviens du jaune passé, de l’herbe cuite au soleil, du besoin d’être mieux.

Dans ma cellule, la folie me guette.

Quatre murs et mon armure à mes pieds, la peau nue, le cœur à vif.

Je me drape dans ma dignité.

Je suis la métamorphose de Kafka mais on ne fera pas de livre sur moi.

Dans ma cellule, la folie me guette.

Dans ma cellule, la folie, j’arrête.

Elodie Kempenaer

              

 

Solitude

Un étranger dans sa solitude.

Faire de son mieux pour briller

Souriant, calme, solidaire mais un peu timide.

Toujours des décisions solides

Négatives, pas pour le moment, refus total.

Enfoncer tout dans la solitude.

On fait de son mieux pour rester dans l’ambiance et non dans la solitude.

Et un jour… paff, la solitude est terrassée.

Jean Boussim

               

 

U.N.I.V.E.R.S.A.L.I.T.E

Peut-on enfermer

Des étrangers Sans-Papiers ?

Peut-on organiser

Notre inhumanité ?

Peut-on contraindre le rêve

D’étrangers piégés ?

Peut-on sans cesse amasser

Pour ne jamais repartager ?

Au pays de l’universalité

Peut-on s’affranchir des droits hérités

Sous prétexte de se protéger ?

Gabriel Pirotte

                

 

VOTE-THEM

Ronronnement de moteur,

Caméra braquée,

Combi déployé,
 

MOI EMMITOUFLÉE

EUX ENTASSÉS
 

Séparés par des barrières… des barbelés…

SEULES nos voix nous permettent de communiquer.
 

Où suis-je, vous pensez ?
 

Entre ombres et lumières, j’essaye de te DEVINER, de t’IMAGINER.
 

Kosovo, Serbie, Albanie, cette Europe divisée, hiérarchisée, toi aussi baba tu aurais pu t’y retrouver.
 

Stéphanie Bošnjak

                 

 

Entre ces murs

Entre ces murs viennent s’empiler des milliers d’histoires.

Des histoires qui transpercent, elles nous griffent, elles nous déchirent.

Elles s’amoncellent, elles dégoulinent, elles nous engluent, on s’y embourbe.

Elles s’accrochent à nous comme une seconde peau.

 

Entre ces murs viennent s’effeuiller des récits de chute, des vies en vrac,

Qui viennent se coller à l’incongru du quotidien.

Une réalité décalée, qui vient poncer nos âmes.

Suffocation de tous les jours.

Reste la dignité, s’y accrocher. Surtout, ne pas lâcher.

Coline Malot

                

 

Blanche Angoisse

Peur matérialisée sous forme de murs

Haine concrétisée en noirs desseins

Blancs Blancs Blancs les murs du centre fermé

Ces lieux oubliés me glacent le sang

Perdus dans les champs, cachés derrières les palissades

La politique y enferme des innocents, c'est une escalade.

Je me couche la nuit bien au chaud, fenêtre ouverte.

Blanche est la nuit quand je pense aux personnes enfermées, là de l'autre côté de la rue.

Noires mes idées devant le non-sens.

Instrumentalisation politique de l'être humain, je te hais.

Lutter, lutter, ramener nos votes à l'humanité.

Amandine Kech