Nord/Sud
Manger, c'est voter trois fois par jour
21 avril 2016
© Sang-Sang Wu
À l'heure où le système capitaliste néolibéral a déjà montré ses limites et ses dérives, des consciences se réveillent et des voix s'élèvent. Dans notre pays et ailleurs, des citoyens engagés réinventent leur manière de consommer. C'est notamment le cas à Louvain-la-Neuve où des étudiants réunis en kot-à-projet prouvent qu'un autre modèle de société est possible. Un modèle qui repose sur une économie sociale, solidaire et responsable. Manger est réellement devenu un acte politique. Rencontre.
Simon Lalieu a 22 ans et poursuit des études en climatologie à l’UCL. Pour sa dernière année sur les bancs de l’université, ce jeune homme passionné par les statistiques a décidé de s’investir dans un kot-à-projet (KAP). « Un kot-à-projet, c’est une association d’étudiants qui vivent au sein d’un logement communautaire et qui, dans le même temps, mènent à bien un projet leur tenant à cœur. Le mien, c’est la sensibilisation aux comportements écologiques et au développement durable ».
Ainsi débute l’aventure « Kap Vert » pour Simon. En accord avec ses valeurs et ses convictions personnelles, ce kot-à-projet est spécialisé dans le développement durable via le prisme de l’alimentation.
« L’alimentation est un thème auquel on ne peut se soustraire quand on parle de développement durable. Le Kap Vert répondait exactement à mes attentes, c’est-à-dire promouvoir une alimentation responsable : locale, biologique, de saison et végétarienne ».
Un débat d'idées plutôt qu'une posture moralisatrice
En s’engageant dans cette communauté, Simon et ses cokoteurs tentent de sensibiliser étudiants, habitants de Louvain-la-Neuve, jeunes et moins jeunes aux comportements écologiques. Ils ont, pour ce faire, une panoplie de moyens d’action :
« On organise des conférences et des projections de films avec pour thème l’impact du contenu de notre assiette sur l’environnement. On met en place des activités ludiques dans les écoles pour donner des clés de réflexion quant à l’importance d’une alimentation éco et socio-responsable ».
Plutôt que de poser un regard moralisateur et culpabilisateur, leur objectif est de susciter la discussion et le débat d’idées. Tous leurs efforts vont dans la même direction : court-circuiter les schémas de consommation habituels et refuser de consommer à outrance, un comportement devenu une norme dans notre société moderne.
Court-circuiter le système à l’aide du circuit court
Outre le compost, la foire aux semences ou encore l’organisation d’ateliers de cuisine proposant des recettes à base de produits locaux et de saison, un des projets-phare du Kap Vert est la distribution de « paniers bio ».
« Chaque semaine, on offre cette possibilité aux étudiants qui le souhaitent car on sait qu’à partir du moment où on prend conscience de la nécessité de changer son mode d’alimentation, ce n’est pas toujours facile de s’y retrouver ».
La multiplication des labels bio peut en effet constituer un frein pour les consommateurs qui se demandent quelles sont les garanties et implications se cachant derrière tous ces logos. « Pour mieux consommer, il ne suffit pas d’aller au Delhaize acheter des légumes étiquetés bio et équitables. Avec ces paniers, ils peuvent nous faire confiance étant donné que nous-mêmes, nous mangeons les fruits et légumes provenant de ces colis ». Une alternative concrète donc à la grande distribution et aux chaînes industrielles de la consommation.
Consommer local : un acte d’insoumission politique ?
En proposant cette solution de proximité, ces étudiants contribuent à faire vivre l’économie locale et ses agriculteurs, tout en respectant l’environnement. La société retrouve un visage plus humain, et le consommateur troque son statut pour endosser le rôle de « consomm’acteur » et agir pour répondre aux défis sociaux, économiques et environnementaux qui s’imposent à nous. Un peu partout, des citoyens remettent en question leur façon de manger, de se vêtir, de produire… Bref, de vivre. Colosse aux pieds d’argile, la grande distribution vacille, tremble devant de telles initiatives qui démontrent tout le potentiel de ce nouveau modèle économique. Décider de consommer autrement, c’est refuser de fermer les yeux sur une réalité peu reluisante.
« Une fois que l’on a pris conscience des problèmes environnementaux et sociaux liés à notre consommation, on ne peut plus faire comme si on ne savait pas ».
« Faire partie de ce kot, c’est se redécouvrir soi-même »
S’il est possible de trouver des alternatives locales dans le domaine de l’alimentation, Simon reconnaît qu’en ce qui concerne l’habillement, c’est une autre paire de manches.
« J’essaie de ne pas choisir trop de vêtements en coton, je privilégie plutôt la laine. Mais cela reste bien plus compliqué. Si, à l’avenir, j’ai la possibilité de modifier ma consommation dans ce domaine, je le ferai ».
Conscient des progrès accomplis mais surtout de tous ceux à venir, le jeune homme ne prétend pas avoir un comportement irréprochable. Comme ses cokoteurs, il progresse à son rythme, par tâtonnements. La garantie d’inscrire ces changements dans une démarche réellement durable.
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