Nord/Sud
L'histoire de Mahmoud : la vie plus forte que la mort !
22 juin 2017
© Photo fournie par Mahmoud
Mahmoud est arrivé en Belgique en août 2015, après un périple de plus d'un an au départ d'Alep. Je l'ai rencontré au centre de demandeurs d'asile de Nonceveux, où aujourd'hui, il apporte son aide. Il m'a raconté son périple personnel pour dénoncer, pour expliquer, pour ne pas oublier, pour rassurer et donner de l'espoir…
Avec Mahmoud, j’ai cuisiné, j’ai fait du sport, j’ai mangé des burgers et bu du thé vert, j’ai randonné, j’ai pleuré, j’ai discuté, j’ai dansé, j’ai ri… je me suis liée d’amitié avec une personne qui a vu la mort mais qui aime la vie.
Mahmoud raconte son histoire avec une simplicité et une générosité qui vous épate. Il la partage sans détour, de façon brute et descriptive, avec un ton parfois dénué de l’émotion à laquelle on s’attend : c’est étonnant et à la fois plein de sens…Il va de soi que son parcours est exceptionnellement rude : de la décision de s’enfuir d’Alep à la complexité de son nouveau défi : s’adapter à une nouvelle culture et construire une nouvelle vie. Mais en revenant sur la chronologie de son périple, il semble exorciser les difficultés traversées. Il ne cherche ni larmes, ni félicitations. Il partage : pour lui, pour ceux qui sont passés par là, pour ceux qui ne connaitront jamais ça.
" I feel it is good thing to do because the people must know the real situation about Syria ”
“ If I have this good life now, they can have it ! ”
Les épreuves de la traversée
Après avoir quitté son pays en guerre en mai 2014, Mahmoud est resté plus d’un an à Istanbul. Comme plus de 2 millions de Syriens, il y commence son parcours du combattant. Il apprend le Turc, il vit avec le racisme[1] ambiant qui l’empêche de trouver un emploi - même sous payé - il vit dans un 3 pièces avec 9 personnes mais rien de tout ça ne l’accable car il a cette faculté de croire en l’avenir.
S’il a d’abord songé à retrouver sa famille en Syrie, il a vite compris que c’est l’aventure européenne qui l’attendait. De la Turquie à la Grèce, de la Grèce à la Serbie, de la Serbie à la Hongrie, de la Hongrie à l’Allemagne, de l’Allemagne à la Belgique. Un mois agité : des échecs de traversées, des heures à ne pas bouger, des corps entassés, des pleurs, des espoirs, des décès, des camions, des bateaux, des policiers….
Il a vécu 11 mois au centre de demandeurs d’asile de la Croix Rouge de Nonceveux où il a traversé son deuxième périple : l’aventure administrative qui lui donnera le droit d’asile en Belgique. C’est là que je l’ai rencontré fin 2016. Il n’y vit pourtant plus depuis 2 ans. Il aime y revenir pour accompagner ceux qui passent par là. Il prête main forte à l’équipe présente, il joue au grand frère et au traducteur. Il connait la réalité du parcours que les résidents ont vécue et celle qui les attend.
Des valeurs familiales fortes pour affronter l’éloignement de sa famille et de sa culture
A Alep, il était professeur de management à l’université, fils d’une mère enseignante et d’un père avocat. Il pense que sa famille, ouverte et éduquée, lui a donné les clefs pour pouvoir faire des choix en connaissance de cause. Sa capacité d’adaptation et sa force de réflexion, il les doit en partie à son éducation. Pendant son périple, les mots de son père ont raisonné plus d’une fois « You must be strong and challenge yourself if you want to get somewhere ». Depuis, son père est décédé, mais pas sous les bombes qu’il évitait au quotidien ; un moindre mal pour son fils qui préfère relativiser.
Le plus difficile pour Mahmoud, c’est d’être loin de sa maman et de sa sœur restées là-bas. De son pays, en revanche, il n’attend plus rien. Il sait qu’il n’y retournera jamais, il sait qu’il ne reverra jamais sa famille… et il vit avec.
Mahmoud est le premier à dire que l’adaptation à une nouvelle culture est sans doute l’étape la plus fastidieuse. C’est la plus longue, celle qui demande un effort quotidien. Et selon lui, les deux choses les plus difficiles sont la langue et la nourriture. Le reste n’est que bagatelle. Son pragmatisme m’impressionne, son parcours est fort en émotion mais il sait ce qu’il doit faire.
" You know I have to do this even it is not easy but I have.” (adapt my self)
Ses projets d’avenir pour venir en aide aux personnes sans-abri
Quand je l’entends me répéter que la vie en Belgique est belle et que les gens sont fantastiques, je me dis que le pari de la fuite et de l’intégration est gagné. Et si chaque parcours est différent, l’histoire de Mahmoud permet de croire aux bienfaits de l’accueil, de la générosité et de la volonté.
Aujourd’hui, il vit dans son appartement à Liège, a trouvé un job de mise à jour d’un site internet, il donne des cours d’anglais pour débutants et prend lui-même des cours d’anglais pour passer son TOEIC*[2]. Il a de nombreux projets en tête qu’il tente de mettre en œuvre doucement mais surement. Leurs points communs ? Venir en aide aux personnes en difficulté. Il sait qu’il aura un jour toutes les clefs en main pour réaliser ses rêves. Parce que Mahmoud, pour moi, est un parfait exemple de ce qu’est l’optimisme !
“ I always say to my self ... I will do it if not now ... Maybe tomorrow ... If not tomorrow ... One day I will do it! “
“ I still believe in humanity and the people like you will change the world to better so I still trust humanity and people ”
Son objectif à long terme, son « biggest dream » comme il l’appelle :
“ to have an organization to help disable people and homeless people ”
Un bel exemple de résilience ?
Un article de Sabrina Monteiro De Sousa
Pour en savoir plus sur l'histoire de Mahmoud, rendez-vous sur sa page Face Book : @syrianrefugeedailylife
[1] Plus d’informations sur le racisme en Turquie : Rapport de l’ECRI sur la Turquie, Conseil de l’Europe 2016 : https://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/Country-by-country/Turkey/TUR-CbC-V-2016-037-FRE.pdf
[2] Test of English for International Communication (TOEIC) sont des certifications standardisées permettant d'évaluer le niveau d'anglais des locuteurs non anglophones tant au niveau de l'écrit que de l'oral.
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