Nord/Sud
Abbé Jacques Wilondja, prêtre engagé au service de la paix
30 mai 2013
© Prince Djungu
Depuis plus de 15 ans, le Kivu est le théâtre de violations graves et répétées des droits de l'homme. Cette région de la République Démocratique du Congo a aussi vu défiler plusieurs guerres et conflits qui auraient causé plus de 6 millions de victimes. En dépit de ces situations, Jacques Wilondja a fait le choix d'y rester et de ne pas s'exiler. Ce prêtre congolais, coordinateur de la commission diocésaine Justice et Paix d'Uvira, dans le Sud-Kivu, s'est confié à moi. De passage en Belgique, il me parle de son parcours, de son engagement, de ses craintes et surtout de l'espoir qui l'anime au quotidien.
Comment avez-vous vécu les différentes guerres du Kivu ?
C’est en 1996 qu’a commencé la première guerre. Cette année-là, je venais juste d’être ordonné prêtre. J’ai été contraint de fuir la ville où j’habitais. J’ai marché à pied à travers la forêt pour me réfugier dans la ville de Kasongo située à environ 300 kilomètres d’Uvira. Quelques jours après, la guerre m’y a rejoint. J’ai dû encore fuir. C’était pénible et horrible. J’ai perdu beaucoup de mes confrères prêtres pendant cette guerre. Deux ans plus tard, après un semblant d’accalmie au cours de l’année 1997, la guerre a repris. Des populations entières ont été décimées, des paroisses brûlées, beaucoup de femmes ont été violées et plusieurs ont même été enterrées vivantes. Depuis, cette partie du Congo n’a jamais connu la paix mais j’y vis toujours malgré l’état d’insécurité fait de rébellions, d’agressions et de troubles répétitifs.
Comment était le Kivu avant de sombrer dans ce cycle de guerre ?
Les différentes communautés ethniques du Kivu ont toujours vécu en paix et en harmonie .Cette même entente existait avec les populations des pays limitrophes. Malheureusement avec le génocide au Rwanda de 1994, le Kivu a vu sa tranquillité perturbée. Cette guerre en effet, a eu des répercussions au Congo : des centaines de milliers de personnes fuyant le Rwanda, traversaient la frontière sans être contrôlées. Parmi elles, des militaires de l’ancienne armée rwandaise sont ainsi entrés au Congo avec leurs armes. Leur présence sur le sol congolais, près de la frontière, sera l’une des raisons pour lesquelles l’armée rwandaise, choisit, en 1996, d’appuyer une rébellion congolaise pour les désarmer. Ils en profitèrent aussi pour mener une guerre en vue de renverser le président Mobutu, à la tête du Zaïre (ancien nom de la RD Congo) pendant 32 ans.
Quelles sont les différentes actions que vous faites dans cette partie du Congo ?
Depuis que la guerre sévit au Kivu, il existe un réel climat de méfiance entre les communautés : certaines sont stigmatisées, d’autres sont pointées du doigt et désignées comme étant les sources des conflits dans l’Est du pays. Bref, il existe vraiment un sentiment de méfiance. Depuis 2003, j’ai commencé à réunir tous les responsables de ces communautés ethniques à Uvira. Avec eux, on réfléchit et on essaie de trouver des pistes de solutions afin que le mieux vivre ensemble revienne au Kivu. C’est ainsi que diverses actions ont déjà pu être menées. L’une d’entre elles, qui a connu beaucoup de succès à Uvira, consistait à écrire des messages de paix dans les différentes langues de chaque communauté. Ces messages étaient ensuite relayés du sommet vers la base. On encourageait les gens à cohabiter pacifiquement et à éviter toute forme de stigmatisation. Je m’occupe aussi, à travers la commission Justice et Paix d’Uvira, d’apporter de l’assistance aux femmes victimes de violence et de viol. En effet, il est triste et lamentable de voir qu’au Kivu le viol est devenu une arme de guerre qui anéantit et détruit de nombreuses femmes.
D’où tirez-vous votre force et votre motivation ? Croyez-vous en un lendemain meilleur pour le Kivu ?
J’ai la profonde conviction que la paix reviendra un jour dans le Kivu. Les choses évoluent déjà. Certes, elles évoluent de manière lente, mais elles évoluent quand même. C’est ce qui me donne le droit de garder espoir. De plus, quand je vois le fruit de diverses actions sur terrain et des témoignages que je recueille, j’ai encore la ferveur de me battre. Me battre pour mon pays, me battre pour les miens, me battre pour la population tout simplement. Je n’ai pas le droit de les abandonner. Si je fuis et que je pars, les gens se sentiront délaissés. Je suis prêtre, et au Congo, l’Eglise reste encore le seul lieu où tout le monde se retrouve. La population met de l’espoir en nous, hommes de Dieu. Je me dois d’être là avec eux et de maintenir cet espoir. Tout comme un berger envers ses brebis, je ne peux pas les abandonner.
Quelles seraient les pistes de solutions selon vous ?
Nous devons continuer et tenir ferme dans ce que nous faisons déjà : sensibiliser à la base, essayer de rapprocher les communautés. Cependant toutes ces actions seront d’une efficacité maximale si d’autres opérations sont faites : plaidoyer à divers niveaux, tant internationaux que nationaux. C’est ce que j’essaie de faire à travers mes voyages et déplacements à l’intérieur comme à l’extérieur du Congo ; désarmer les groupes armés, ce qui nécessite une vraie volonté politique et des moyens, afin éviter la méfiance entre les pays de la région. Pour cela, il faut un dialogue, mais un dialogue sincère.
Vos mots de conclusion ?
Ne nous abandonnez pas. Si chacun là où il est pouvait plaider en faveur de la paix dans cette partie du monde, je suis convaincu que les choses commenceraient à changer positivement. J’encourage aussi les gens à chercher à s’informer, à chercher la bonne information sur ce que vit la population du Kivu. Cette dernière a souvent l’impression qu’elle est l’oubliée et la délaissée de la planète.
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