Culture
Waleed : des mots pour résister. Exister
16 janvier 2017
Waleed est un jeune artiste hip-hop de 27 ans, originaire de Gaza, que j'ai rencontré en travaillant avec des demandeurs d'asile. Il a accepté de me raconter son parcours depuis la guerre de Gaza jusqu'à son arrivée sur le territoire belge.
En travaillant dans un centre d'accueil pour demandeurs d’asile de la région de Liège, j’ai fait la connaissance de Waleed, un jeune artiste hip-hop originaire de Gaza. Il parle arabe et se débrouille un peu en anglais. Malgré cette barrière de la langue, il a accepté de m’accorder une interview. Mahmoud, un ami commun, joua le rôle d’interprète afin de faciliter les échanges et nous permettre d’approfondir la discussion.
Chanter pour s’exprimer
Dès le début de notre échange, Waleed me raconte qu’il a choisi de composer des chansons pour dénoncer ce qui se passe chez lui. Originaire de Gaza, il n’est pas évident de pouvoir parler ouvertement de ce qui s’y passe. Une réalité qu’il peut contourner au détour de ses textes. En écrivant ses propres chansons, il peut évoquer la situation dans son pays, la politique, les personnes défavorisées, l’alcool…
Jusqu’à présent, il a écrit une quinzaine de textes dont certains ont été mis en musique et ensuite enregistrés. Pour les mettre en musique, deux moyens s’offrent à lui : soit rechercher des beats ou des échantillonnages libres de droit sur Internet, soit faire appel à un professionnel. Une fois le son trouvé, il peut enfin enregistrer ses chansons et les diffuser.
Continuer à vivre pendant la guerre et aller au-delà de ses revers
Waleed a commencé à s’intéresser au hip-hop lors de son passage à l’université, en 2008. Cette année marqua aussi le début de la guerre de Gaza[1] et, par ce fait-même, la fin de son parcours universitaire. Ses cours ont été mis à l’arrêt. Mais la vie ne s’est pas arrêtée pour autant.
Au cours de cette période, il a fait la rencontre de nouvelles personnes, qui l’ont initié à un genre qu’il connaissait très peu. Ces nouvelles fréquentations, chanteurs et amateurs de hip-hop, ont partagé leur passion avec Waleed au fil des textes qu’ils chantaient et écoutaient. Ce genre nouveau lui a beaucoup plu. Il a décidé d’en apprendre davantage en s’intéressant tant aux parcours des chanteurs qu’aux textes.
La guerre de 2008 a également fait naitre en lui un besoin de raconter ce qu’il se passait, de mettre des paroles sur ses maux. C’est dans cette conjoncture qu’est née la première chanson de Waleed. L’année d’après, en 2009, il chantait son premier texte.
Les réseaux sociaux comme plateforme de diffusion
La fin des années 2000 signa aussi l’essor du réseau social Facebook. Pour Waleed, il s’agissait d’un excellent outil de diffusion de ses textes. Quant aux médias audiovisuels classiques, il a fallu attendre quelques années avant qu’ils ne s’intéressent à Waleed. Ce n’est qu’en 2013 qu’une radio l’a interviewé et a diffusé une de ses chansons. Le hip-hop était en effet un genre étrange pour les auditeurs de l’époque à Gaza. D’après Waleed, la télévision et la radio en Palestine n’ont commencé à s’intéresser aux artistes hip-hop que bien plus tard.
Chanter, c’est aussi s’exposer publiquement
Le revers de la diffusion, qu’elle soit via les réseaux sociaux ou les médias audiovisuels, c’est qu’elle met en lumière ce qui était de l’ordre privé. Suite à la diffusion de ses textes, Waleed ressent et reçoit des pressions du pouvoir en place et de personnes proches de l’islam radical. Se sentant peu soutenu dans ses démarches, il préfère quitter le pays en espérant pouvoir poursuivre son rêve en Europe.
Conscient que l’arabe ne facilitera pas la diffusion de ses textes en Belgique, il souhaite apprendre le français une fois que sa situation sera régularisée. Ayant déjà quelques connaissances dans le monde de la musique en Europe, il n’attend qu’une chose : pouvoir rester en Belgique et avancer dans ses projets.
« Le seul moyen d’affronter un monde sans liberté est de devenir si absolument libre qu’on fasse de sa propre existence un acte de révolte. » L'Homme révolté (1951), Albert Camus.
ECOUTE WALEED
WALEED SUR FACE BOOK
Message de la vidéo (traduction par Mounia)
"Je suis dégoûté de la situation à Gaza
J'aimerais pouvoir arrêter de réfléchir à l'immigration…
pourquoi résister ?
A chaque fois que j'y pense,
je me dis que j'aimerais bien boire quelque chose qui me permettra de flâner
Le temps est une épée…
A Gaza, il est arrêté…
Chômeur je suis,
Angoissé, opprimé, oppressé…
Je n'arrive pas à penser à participer à la résistance pour mon pays…
Mes pensées voyagent…
Les jeunes à Gaza sont perdus…
Les médias diffusent des images de la situation
Catastrophe !
Naufrage d'une embarcation de jeunes immigrés palestiniens…"
[1] Pour rappel, en 2007, le Hamas prend le pouvoir dans la bande de Gaza après des affrontements avec le Fatah. A l’heure actuelle, le Hamas contrôle toujours la bande de Gaza.
Plus d’infos sur les conflits de 2008 :
www.amnesty.be/je-veux-m-informer/actualites/article/israel-gaza-operation-plomb-durci
www.amnesty.be/je-veux-m-informer/actualites/article/declaration-orale-au-conseil-des
www.acrimed.org/-2008-2010-Guerre-et-blocus-contre-Gaza-
Sur le hip-hop :
Ten hip-hop tracks that demand freedom for Palestine
Interview du groupe de hip-hop DAM par Amy Goodman pour Democracy Now !
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