Culture
La musique, pour oublier qu'on s'est fait braquer
16 janvier 2017
© Photo fournie par Thomas
La Nouvelle-Orléans, avec ses déguisements, son mardi gras, son ambiance si particulière, mais aussi ses gangs urbains, sa violence, sa pauvreté et surtout sa musique intimement liée à sa culture : le Jazz… Au cours de l'été 2014, Thomas Bouïssaguet s'est rendu à « NOLA » - New Orleans/Louisiana - la plus grande ville de cet Etat du sud-est des Etats-Unis. Lors de son voyage, Thomas a non seulement découvert une ville mais aussi une culture musicale à part entière. Il a aussi appris que parfois accéder à la musique pouvait être difficile, car à NOLA musique et ville sont indissociables.
C’est dans le cadre d’un reportage radiophonique réalisé comme travail journalistique de fin d’études que Thomas Bouïssaguet et un de ses collègues de l’Université se sont rendus à la Nouvelle-Orléans. Avant de partir réaliser son reportage, Thomas avait déjà un intérêt assez marqué pour la musique jazz. Il a découvert ce style musical essentiellement au travers de la pop culture, avec les sons jazz les plus célèbres tel que « Take 5 » de Dave Brubeck puis, petit à petit, il a peaufiné ses connaissances. En effet, avant son départ, Thomas a passé plusieurs mois à améliorer ses connaissances sur le jazz et de ses recherches est ressortie la principale question qui allait justifier son futur voyage : Qu’est-ce qui caractérise le jazz, voire la musique de manière générale, de la Nouvelle-Orléans ?
De son propre aveu, son choix de se porter vers la problématique de la musique à la Nouvelle-Orléans, en tant que sujet journalistique, provenait surtout de son désir de quitter la Belgique et de visiter cette ville : « Je suis surtout parti pour aller quelque part. Mon sujet correspondait plus à ma destination que ma destination correspondait à mon sujet ». Son choix était d’autant plus appuyé qu’il était en cours de visionnage de la série à succès de HBO « Treme », qui reprend le nom de l’un des plus vieux quartiers de la Nouvelle-Orléans.
Jazz vivant VS jazz d’intello
En Belgique, il existe de nombreux clubs de jazz. Néanmoins, on ne retrouve pas l’ambiance des clubs de la Nouvelle-Orléans. Le jazz aujourd’hui est avant tout un délire musicien, une musique très intellectualisée. Selon Thomas, l’ambiance dans les clubs de jazz de la Nouvelle-Orléans se dissocie de celle de la plupart des autres clubs:
« Le jazz en Nouvelle-Orléans, c’est quelque chose de vivant, alors qu’ici c’est plus niché dans certains cercles quasi d’experts. Faut être un connaisseur et quand tu vas dans un club de jazz, tu vois toujours les mêmes têtes. Alors qu’en Nouvelle-Orléans, t’as encore des gros ‘Brass Bands’[1], où les gens vont dans les clubs pour bouger ».
D’une certaine manière, même si la musique évolue toujours, y compris le jazz à la Nouvelle-Orléans, la musique Nouvelle-Orléanaise reste empreinte de traditions, préservée de l’évolution et on continue à y jouer du jazz, « comme au début. On fait le jazz à la Nouvelle-Orléans comme on le faisait à la base ».
La musique d’une ville sous tensions
Au cours de son voyage, Thomas s’est rendu compte que la véritable culture jazz de la Nouvelle-Orléans – la musique qui se vit et que l’on écoute en dehors des quartiers touristiques de NOLA - peut être difficilement accessible. Deux principales raisons expliquent ce phénomène : un certain localisme musical des musiciens de la Nouvelle-Orléans mais aussi les conditions sécuritaires de la ville.
En effet, la plupart des musiciens de NOLA se targuent d’une certaine forme de protectionnisme musical qui rend l’accès à la musique parfois compliqué :
« Les grandes stars de la Nouvelle-Orléans restent dans la ville, ils tournent extrêmement peu, gardent un esprit très local ».
L’exemple type du musicien local de la Nouvelle-Orléans, c’est Kermit Ruffins, véritable légende, qui sillonne les routes Nouvelle-Orléanaises à bord de son « pick-up truck » équipé d’un barbecue à l’arrière.
Un autre élément compliquant l’accès à la musique est la dangerosité de la ville. Loin de l’imaginaire populaire, parfois fantasmé, - notamment à travers la pop culture : Séries, bandes-dessinés, etc. - d’une ville festive et colorée, la Nouvelle-Orléans est une des villes les plus dangereuses de la planète[2]. « Tu ne peux pas aller dans 80% des quartiers, t’hésites franchement à marcher à pied. C’est une zone de non-droit », témoigne Thomas.
Cette violence empreinte d’une culture de la ségrégation, avec ses « quartiers noirs » et ses « quartiers blancs », Thomas l’a expérimentée de la pire des manières. Une semaine après son arrivée dans la ville avec un collègue, alors qu’ils se désaltéraient sous le porche typiquement américain de leur logement, ce dernier et Thomas se font braquer par plusieurs individus armés. Une des raisons de ce braquage serait, d’après Thomas, qu’ils venaient d’emménager en tant que « blancs » dans un quartier « noir » : « Se faire braquer à la Nouvelle-Orléans, ça fait partie de la vie de la ville. C’est un rite de passage en quelque sorte. C’est un peu bizarre mais ça nous a ouvert des portes pour des interviews. C’est un peu comme si on était devenu des leurs », nous explique Thomas.
La musique, l’âme de la ville
La Nouvelle-Orléans est une grande ville avec énormément de diversité. L’image dépeinte de la ville, au travers du témoignage de Thomas, n’est représentative que d’une certaine culture musicale et d’une certaine réalité sociale, certes présentes mais qui ne constituent pas nécessairement un portrait entièrement représentatif de la ville.
« On a été dans le ‘Downtown New-Orleans’, très tourné vers la musique et cette culture jazz. On a été dans les cercles musiciens, on a été exposé à la réalité qu’on recherchait », témoigne Thomas.
Néanmoins, la musique, et plus particulièrement le jazz, font indéniablement partie de l’ADN de la Nouvelle-Orléans. Si enquêter sur cette culture jazz du ‘Downtown New-Orleans’ peut s’avérer difficile pour toutes les raisons précédemment énumérées, s’intéresser au jazz de la Nouvelle-Orléans permet indéniablement de se confronter à une culture à part entière. En cherchant à en apprendre plus sur ce qui caractérisait l’identité musicale de la ville, Thomas s’est exposé à une partie de la culture Nouvelle-Orléanaise car, à NOLA, musique et ville sont inséparables.
ECOUTER LE REPORTAGE RADOPHONIQUE DE ARTHUR DELIGNE ET THOMAS BOUÏSSAGUET
[1] Un « brass band » est un ensemble musical composé d'instruments de la famille des cuivres et d'une section plus ou moins importante de percussions. Actuellement, deux archétypes principaux de « brass band » coexistent : d’une part, celui de type « New Orleans » (aussi appelé « dixieland », «Hot Jazz » ou « Early Jazz »), qui fait référence au style jazz développé en Nouvelle-Orléans au début du XXème siècle et, d’autre part, le type « Britannique ».
[2] Selon un rapport du Conseil citoyen mexicain pour la sécurité publique portant sur l’année 2015, la Nouvelle-Orléans est la trente-deuxième ville la plus violente au monde. Classement à prendre avec distance critique néanmoins, voir cet article du quotidien Libération
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