Culture
Jonas d'Adesky, jeune réalisateur belgo-rwandais aux parcours multiples. Entrevue avec un rêveur aux pieds sur terre
6 février 2014
Attiré par les histoires visuelles très jeune, Jonas a réalisé son premier long métrage avant ses 30 ans. « Twa Timoun », tourné dans le décor haïtien de 2010, mêle une part de fiction au quotidien de jeunes rescapés. Une idée audacieuse qui nous a donné l'envie de rencontrer le réalisateur. Rétrospective.
Premières découvertes et réalisations
Depuis son enfance, ce jeune belgo-rwandais adore aller au cinéma et se laisser toucher par les films tristes des années 50 et les histoires visuelles. Il nous confie également avoir inventé des histoires pour ses jouets. Ce qui aurait pu n’être qu’une sensibilité passagère sera ensuite prolongé par diverses activités tout au long de ses études.
En primaire, lors d’ateliers d’écriture, les élèves ont la possibilité de raconter des histoires courtes ou des comptes rendus de leur week-end. Le goût pour la rédaction d’histoire fictive naît chez Jonas.
En secondaire, l’école propose de suivre des cours d’écriture lors d’activités parascolaires. Bien qu’il fasse déjà du sport, il choisit de profiter de cette opportunité, de continuer l’aventure et de participer à des concours d’écriture de nouvelles. Encouragé par les prix qu’il reçoit, il ressent néanmoins quelques blocages lorsqu’il écrit. D’après lui, il privilégie les textes très structurés, au style direct, délaissant les descriptions psychologiques. Sa passion pour la réalisation lui sera révélée lorsqu’une étudiante d’une école de cinéma anime un atelier dans son école. Les étudiants sont chargés de rédiger un petit scénario qui sera, après avoir été sélectionné, réalisé avec les autres élèves. Le projet de Jonas sera choisi ; il deviendra en quelque sorte le réalisateur de ce film.
Se diversifier pour se construire
L’expérience humaine que ce projet lui a apportée, les spécificités structurelles liées au cinéma et ses penchants pour la dimension visuelle le poussent à s’inscrire dans des études consacrées à l’écriture et l’analyse cinématographique. Il suit également des cours dans la faculté de sociologie, une aide à l’ouverture d’esprit. En associant ces deux cursus, Jonas souhaite créer de la matière à raconter, faire des rencontres, se former des bases solides pour ses futurs scénarios.
Ce qui paraît atypique, illogique, dans son parcours s’explique par cette volonté de se développer, de mûrir, mais aussi par ses origines multiculturelles. Né d’un père belgo-rwandais et d’une mère belge, Jonas a au fond de lui cette envie de découvrir l’ailleurs, de pousser de nouvelles portes et de pouvoir venir en aide aux pays connaissant des développements différents, tout en s’appuyant sur les valeurs apprises dans le nid familial.
« J’attends d’un film qu’il soit une rencontre humaine »
Après avoir obtenu son double diplôme, il poursuit ses études en s’inscrivant à l’école de cinéma de Louvain-la-neuve, l’IAD ; un excellent moyen d’allier la pratique à la théorie mais aussi de conjuguer son côté rêveur à celui plus terre-à-terre. De plus, ce nouveau cursus a l’avantage de lui permettre de faire des rencontres intéressantes et de se tisser un réseau pour ses projets futurs.
Premier long métrage de fiction
« Le multiculturel, l’envie de découvrir l’ailleurs, d’aider les pays en voie de développement font partie de mon histoire et des valeurs que j’ai apprises familialement. »
Durant ses études, Jonas réalise un court métrage avec un ami, étudiant en image, Benjamin Morel. De cette rencontre naîtra, quelques années plus tard, « Résonances », une asbl pour la diffusion des films. Jonas réalise en parallèle de ses projets, des films d’entreprise. Ceux-ci ont l’avantage d’être également des ateliers et de donner de l’expérience pour ses futures initiatives personnelles.
C’est en juin 2010, à la fin du master à l’IAD que le premier long métrage de fiction de Jonas débute. Alors que sa copine lui annonce son envie d’aider Haïti suite au tremblement de terre, ils décident de partir ensemble et de partager une expérience commune à l’étranger. En travaillant pour le projet TIMKATEK de l’ONG Gemoun, sur cette île des Antilles, et au fil des rencontres, le scénario préconçu en Belgique se concrétise. Aidé par son ami Benjamin Morel avec qui il a déjà eu l’occasion de collaborer sur un court métrage, sa copine mais également quelques membres de la communauté haïtienne, Jonas tourne « Twa Timoun ». La bourse de la Fondation belge de la Vocation et l’aide à la finition de la FWB permettront d’appuyer la crédibilité du film.
Malgré cette belle réussite, Jonas garde les pieds sur terre. Lors de sa prochaine candidature pour une aide de la FWB, il concourra face à d’autres réalisateurs, ayant parfois une très longue filmographie. Il sera nécessaire de trouver un équilibre entre évoluer dans sa propre direction et plaire à la commission FWB de sélection. Cet équilibre, il essaie également de le trouver entre la gestion des commandes pour la réalisation de films d’entreprises et ses projets personnels.
Aujourd’hui, c’est un jeune homme plein d’idées que nous avons rencontré. Nous pourrions résumer notre échange et l’histoire de son parcours par ces quelques mots : l’audace, la curiosité et la lucidité. Mais, cette synthèse ne rendrait pas la multiplicité qui l’habite. N’hésitez pas à suivre ses projets et à poursuivre cette lecture en parcourant quelques sites en relation avec le portrait du réalisateur.
Bérénice Magloire
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