Convictions
Patience, renouveau, espoir : Mamadou parle de l'islam
6 août 2015
© Magma
Mamadou me l'affirme avec un sourire décontracté « black et musulman : j'ai la totale ! » De Yaoundé à Bruxelles, le jeune employé, passionné de cinéma et de jeux vidéo, me raconte l'apprentissage de sa religion, le renouveau que lui apporte le Ramadan ou encore ses passages préférés du Coran. Il évoque aussi le regard porté sur lui par les autres. Anecdotes cocasses ou quelque peu amères marquent le récit de son rapport à l'islam, sa religion.
Douce enfance, insouciance…
Mamadou vit et travaille à Bruxelles. Il aime aussi sortir le week-end, boire un verre avec des amis et jouer à des jeux vidéo. En réponse à ma demande d’évoquer les racines de ses convictions religieuses, son enfance au Cameroun refait surface.
«J’ai grandi dans un milieu privilégié, à Yaoundé. Mon père louait les services d’un professeur de cours coraniques qui venait chez nous le soir et les week-ends. Mes sœurs et moi, nous apprenions à écrire l’arabe et à réciter les versets du Coran.»
Baigné dans la religion musulmane, Mamadou explique que la connexion avec Dieu, la pratique des prières et du Ramadan sont ensuite venues tout naturellement.
Même si, se rappelle-t-il en riant, « quand j’étais gosse, il m’est arrivé de manger du porc en cachette ! »
Ramadan et renouveau
Avant de me parler de son rapport à sa religion, Mamadou me rappelle les cinq piliers de l’islam : la foi en un dieu unique, le ramadan, les cinq prières quotidiennes, l’aumône et le pèlerinage à la Mecque.
Concernant le Ramadan, il se souvient de son arrivée à Bruxelles à l’âge de neuf ans. Ses copains musulmans pratiquaient le jeûne. Au fur et à mesure des années, la pression sociale devenait de plus en plus forte : si certains jeûnaient par convictions religieuses, il semble à Mamadou que d’autres le faisaient par obligations sociales. Aujourd’hui, outre le jeûne, le Ramadan implique également d’autres dimensions pour Mamadou, notamment dans son comportement avec les autres : être le meilleur possible, être correct, ne pas être désagréable.
« Je fais le Ramadan par conviction religieuse. C’est une période pendant laquelle on ne mange pas beaucoup et il y a beaucoup d’interdits. Quand le Ramadan est terminé, c’est comme une libération. Il y a ensuite une période de remise en question et de renouveau. Je me sens un peu différent. Pendant l’année, tout cela s’effrite jusqu’ à l’année suivante. Au début tu te lèves à 6h00, puis tu retombes doucement dans tes travers. Mais d’année en année, il y a tout un changement. Cela prend du temps …»
C’est pendant cette période que ses collègues ou ses amis portent le plus d’attention à la religion de Mamadou. Ils sont surpris, certains ne comprennent pas la démarche du jeûne.
Patience, patience !
Parmi les cinq piliers, le pèlerinage à la Mecque fut une expérience très enrichissante, mais aussi très éprouvante physiquement et mentalement pour Mamadou. Les nombreuses marches sont autant d’étapes qui demandent beaucoup de patience. Ces épreuves lui ont appris à relativiser beaucoup de choses de la vie.
« Quand tu fais le tour de la Kaaba[1], il y a des gens qui te marchent dessus, qui te poussent… tu es dans un lieu saint, tu ne vas pas commencer à t’énerver, tu vois ce que je veux dire ? Je suis monté dans un bus sans air conditionné. Il est tombé en panne par 40 degrés …tu ne sais pas à qui en vouloir : au chauffeur, aux organisateurs ? Alors, tu prends sur toi. »
Nourriture terrestre…
Le Ramadan et le pèlerinage sont des moments particuliers dans la vie de Mamadou et d’autres musulmans. Au quotidien, il y a également d’autres implications à être musulman, les prescrits religieux sur la nourriture par exemple. Mamadou affirme vivre comme tout le monde, comme n’importe quel européen, et aller au restaurant avec des amis de temps en temps. La différence : il ne mange pas de porc. Mamadou n’accorde pas vraiment d’importance à la mention « halal » qui lui semble parfois devenir un argument commercial.
« Le mal, c’est ce qui sort de la bouche et pas ce qui y entre… Comme musulman, nous devons manger de la nourriture halal, mais ce n’est pas parce qu’il y a un autocollant halal que la viande l’est vraiment. »
…nourriture céleste
Les prières quotidiennes font également partie des cinq piliers de l’islam évoqués par Mamadou lors de notre rencontre. Les sourates doivent être récitées dès le matin, avant d’aller travailler. Si les conditions le permettent au travail, les prières sont faites également en journée. Sinon, selon Mamadou, les prières peuvent également être faites le soir. Il lui arrive cependant de ne pas prier simplement par paresse ou parce que la situation ne le permet pas.
Quant au Coran, Mamadou le lit au moment du Ramadan, alors que sa maman, elle, lit des extraits trois à quatre fois par jour. Les passages du Coran préférés de Mamadou ? Celui sur la fin des temps, proche de l’apocalypse dans la Bible.
« Comme amateur de cinéma, je trouve que ce passage à un air hollywoodien: les flammes, les anges qui descendent du ciel, la lutte du bien contre le mal ! »
Les difficultés d’être musulman
Mamadou vit très bien d’être croyant parmi des jeunes qui ne le sont pas. Le problème, selon lui, c’est l’instrumentalisation de sa religion. D’une part, à des fins politiques dans des conflits au Proche et au Moyen Orient.
« L’islam est une religion de paix, ouverte au monde et aux différences. Mais nous sommes des êtres humains avec nos faiblesses, c’est pour cela qu’il y a des dérives.»
D’autre part, par des personnes qui associent l’islam avec le terrorisme et en profitent pour discriminer les musulmans en toute impunité. Cela a failli lui arriver avant d’obtenir son poste actuel.
« Dans mon boulot, on ne voulait ni Noirs, ni Arabes. Une collègue a quand même décidé de me faire passer un entretien d’embauche et quand mon patron m’a rencontré, ses préjugés ont volé en éclats. »
L’espoir quand on est croyant
Enfin Mamadou m’explique que sa foi lui permet de faire face aux épreuves. La religion est une base spirituelle sur laquelle il se repose face aux problèmes de la vie.
« Être croyant, ça me permet de ne pas désespérer. C’est la foi qui me permet de te dire : maintenant c’est difficile, mais demain, ça ira mieux. J’ai l’espoir en l’avenir, tout simplement. »
Mes voisins… ces musulmans…
A Bruxelles, mes voisins pratiquent le Ramadan, je passe tous les jours à côté d’une boucherie de viande halal, je croise ceux qui reviennent de la mosquée, le vendredi. Je vis côte à côte avec mes concitoyens musulmans et on ne se rencontre jamais vraiment. Rien de plus banal en ville...
Et pourtant, dans une ambiance plutôt défavorable aux personnes musulmanes, associées dans l’imaginaire collectif aux terroristes, à des groupes rétrogrades, il est aujourd’hui crucial de prendre le temps de se parler. Rien de tel pour casser l’image stéréotypée de communautés musulmanes monolithiques. Mon entretien avec Mamadou m’a permis d’entendre un point de vue singulier sur la pratique de l’islam. Mais il me reste encore tant de question à poser ! Une opportunité d’aller à la rencontre de mes voisins?
[1] Grande construction en forme de cube à la Mecque, vers laquelle les musulmans se tournent pour faire leurs prières.
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