Convictions

Alain, un Ecolo idéaliste et pragmatique

23 mai 2014

© Adrien Lengrand

Sympathisant Ecolo à 15 ans, conseiller politique à la commune de Watermael-Boitsfort à 29 ans, Alain nous parle de son engagement politique, entre idéalisme et pragmatisme. Travaillant notamment sur les thématiques de la jeunesse, son principal défi est de favoriser la mixité sociale chez les jeunes, un sujet qui est aussi une des raisons d'être de MagMA.

« On n’était pas nombreux, on était un groupuscule de Verts, cinq au maximum! »

Avant même d’être en âge de voter, Alain était sympathisant d’Ecolo. Je lui demande comment on en vient à s’engager en politique à tout juste 15 ans : « En fait c’est lié à Leonardo Di Caprio. Je ne comprenais pas pourquoi Di Caprio gagnait tant, par rapport à un policier par exemple, qui rend un plus grand service à la société. Pourquoi cette prise de conscience m’a fait me tourner vers Ecolo, je ne sais pas vraiment… Mais mon intérêt pour leurs idées s’est confirmé par la suite. »

En 2006, alors étudiant à l’ULB en première année de sciences politiques, une tête de liste de la Commune d’Awans, près de Liège, où Alain réside, le contacte pour être candidat aux élections communales: « J’étais jeune, je faisais des études, j’avais un profil intéressant. Et j’étais noir aussi, même si cela n’a pas été mentionné. »

Il poursuit, détaillant comment ces élections lui ont fait prendre goût à la politique : « J’ai commencé à rencontrer les députés, à distribuer des tracts, et à prendre conscience des spécificités d’Ecolo. Par exemple, les réunions de campagne qui durent des heures car on délibère vraiment avant de prendre des décisions… Et j’ai pris goût à tout cela, j’ai même adoré en fait ! »

« Hyper motivé » à la suite de cette expérience, il décide de créer un groupe Ecolo à l’ULB… mais découvre qu’il en existe déjà un ! Il le rejoint: « On ne changeait pas la vie des gens, mais on faisait de la ‘contagion culturelle’. On organisait des débats, des conférences, des petites actions. Par exemple, pour la semaine de l’alimentation, on avait distribué des pommes locales et bios. On publiait aussi un journal numérique: l’Uni-Vertsiterre. On n’était pas nombreux, on était un groupuscule de Verts, cinq au maximum! »

Depuis 2006, Alain est membre du parti : « J’ai la carte mais je ne suis pas toujours à 100% d’accord avec eux. Par exemple, je trouve que leur communication pourrait être plus impertinente, je trouve qu’ils ont tendance à lisser leurs messages. »

« Le défi, c’est de créer un organe représentatif de la diversité sociale des jeunes. »

Engagé à la Commune en tant que conseiller politique en janvier 2013  suite à l’élection du bourgmestre Ecolo Olivier Deleuze, une des premières missions d’Alain consiste à créer un Conseil consultatif des jeunes.

A Watermael-Boitsfort, le défi est d’autant plus important qu’il s’agit de la commune bruxelloise avec les revenus moyens les plus élevés et le taux le plus élevé de logements sociaux (20%). Il explique : « D’un côté on a des jeunes issus de milieux très aisés, qui vont par exemple faire de l’équitation le week-end, et de l’autre des jeunes en logements sociaux, avec des parents parfois primo-arrivants.[1] Ces groupes se croisent en permanence, mais ne se fréquentent pas. » Par exemple, les jeunes du Collège Saint Hubert s’installent devant la Maison des Jeunes le midi pour manger leur sandwich, tandis que le soir et les week-ends, ce sont les jeunes de milieux plus populaires qui fréquentent le lieu « car ils n’ont pas d’autre endroit où traîner ».

Pour mettre en place ce Conseil consultatif, Alain élabore « un processus participatif, ludique et surprenant » avec une éducatrice de rue, « pour éviter le cadre formel où on dit aux jeunes ‘venez et parlez’, et pour créer avec eux plutôt que de leur imposer un cadre tout fait. »

Il nous parle de la première rencontre avec les jeunes de la commune : « On a organisé une rencontre intitulée  ‘Je suis jeune, et alors ?’. » Après avoir discuté autour de textes et visionné une vidéo sur le thème de la jeunesse, les 15 participants, issus des différents milieux sociaux, ont spontanément débattu avec humour de ce que voulait dire ‘être jeune’ pour eux. « Puis on leur a demandé s’ils voulaient revenir pour visionner un film et en débattre, et ils étaient assez emballés. »

Il précise les objectifs de ces futures rencontres: « Le but c’est d’avoir une activité facile à organiser où les jeunes se mêlent les uns aux autres, pour créer un espace où on fait se rencontrer des gens qui pensent différemment.  L’objectif, c’est de leur apprendre à parler avec l’autre sans se battre, et d’essayer de comprendre, ou au moins d’accepter, des points de vue différents. (…) Les jeunes ne vont peut-être pas se côtoyer en dehors de ces rencontres, ni même devenir amis, mais au moins ils vont s’écouter parler. »

Sa vision à long terme est à la fois pragmatique et idéaliste : « Le but c’est que ce groupe de jeunes ait un rôle consultatif. Par exemple, il y a une place qui va être rénovée dans la commune, avec un processus participatif, dans lequel ces jeunes pourraient avoir leur mot à dire. »

« Je ne peux pas me résoudre à croire que tous ces petits gestes ne changent rien. »

Je lui demande s’il a des désillusions, maintenant qu’il est confronté aux réalités de la politique et de l’exercice du pouvoir : « Je suis devenu réaliste. Je me dis que même si les pas qu’on fait sont petits, ils n’auraient pas été faits sans nous. (…) On fait de la politique dans un système proportionnel, donc on ne peut pas appliquer 100% du programme, on doit faire des concessions. » 

Pour autant, le renoncement l’agace : « Quand des amis me disent que ça ne sert à rien de voter, que ça ne va pas changer le monde, ça m’énerve beaucoup. Je ne parle pas que d’engagement politique. Le hasard a fait que je suis dans un parti politique, mais j’aurais pu faire ça dans une autre sphère de la société. »

Il ajoute : « Je trouve ça très important de s’engager, de poser des petits actes citoyens, par exemple en réfléchissant à sa consommation, en achetant des vêtements de seconde main. Il y a plein de petits gestes que tout le monde peut faire, au-delà de militer dans un parti. Et je ne peux pas me résoudre à croire que tous ces petits gestes ne changent rien. »