Société

Squatter un logement : qu’est-ce que ça veut dire ?

29 mars 2019

© Celia N'Sele

''J'aimerais qu'ils arrêtent d'avoir peur de nous'' nous dit Joe, une jeune personne de 20 ans qu'on a interviewée dans son squat avec ses 2 amis : Camille, qui a 21 ans et Fred, 23 ans. '' Un squatter n'est pas forcément quelqu'un qui se shoote, ou qui vit dans un endroit délabré ! Des raisons politiques ou personnelles peuvent également expliquer les raisons d’emménager dans un squat.'

 

Le squat, d’hier à aujourd’hui

Le phénomène de squat a évolué, son origine date du XIXe siècle aux Etats-Unis, avec les colons installés dans les terres de l'Ouest. Il apparaît en France après la guerre, à cause de la pénurie des logements. Au cours des années 70-80, dans les grandes villes européennes, le squat devient plutôt une idéologie. Dans les années 90, le concept anti-squat, venant des Pays-Bas, fait irruption : loyer minimum pour une occupation temporaire mais avec des conditions bien précises à remplir. Les exigences sont sévères : répondre à un appel à projet,  avoir un revenu fixe, interdiction de domiciliation, visites de contrôle à l'improviste. Le moindre écart est sanctionné.

Aujourd’hui le squat, comme le définit Infor jeunes, est un lieu inhabité, occupé par des personnes ne disposant pas d’autorisation pour y vivre. Il peut héberger une personne seule comme plusieurs dizaines, dans un petit appartement du centre-ville, une friche industrielle de banlieue ou un site rural. Les conditions de vie peuvent y varier en fonction de l’état initial du site, des moyens et des motivations des occupants : jeunes fugueurs refusant d'intégrer un foyer, migrants, artistes sans atelier, etc. Les artistes, associations ou  individus peuvent utiliser cet espace à leur guise pour travailler, exposer ou stocker du matériel.

 

Le squat peut prendre diverses formes

Premièrement, un squat peut être mis en place par des individus ou un collectif. Dans un squat initié par un collectif, le lien social est recherché et voulu. Le but est souvent de créer une mixité sociale, avec des gens de différents milieux : étudiants, artistes, anarchistes, ou des gens habitant dans la rue.

On peut aussi avoir le cas de figure, des gens appelés par la loi,  ''occupants sans titre'', qui prennent possession d'un lieu, sans aucune autorisation du propriétaire et qui ne disposent d'aucun droit sur le bien.

L'occupation d'un logement peut également être régie sous forme de convention qui garantit aux  occupants, le droit d’habiter le lieu en se portant garant de payer une très faible contribution. Les 3 amis ont raconté qu'ils ont été expulsés  par leur ancien propriétaire, qui aurait privilégié une convention avec l'Association Communa.

La récupération de logements vides peut parfois être opérée par des associations comme les asbl Communa, Toestand ou la Fédération bruxelloise de l’union pour le logement (FEBUL). La FEBUL, par exemple ,travaille sur des projets d'occupation dans des bâtiments vides et y développe des projets à finalité sociale pour lutter contre la vacance immobilière et proposer un autre type de logement pour les nécessiteux. Toutes ces associations ont les mêmes motivations,   lutter contre les logements vides, et lutter contre la crise du logement et développer des projets sociaux. Ces associations de terrain ont été scandalisées par la criminalisation du squat, qui selon elles , ne tient pas compte des réalités : augmentation du prix de l’immobilier, attente d'un logement social. Et pourtant, Camille, Fred et Joe, que nous avons rencontrés, portent un regard très critiques sur ces associations.

 

Pourquoi vivre en squat ?

Pour des questions financières, des personnes éprouvant des difficultés à payer un loyer, des étudiants à faibles revenus, des personnes précarisées ou des personnes sans-papiers peuvent décider de prendre possession d'un logement, seules ou en cohabitation.

Deuxièmement, des convictions politiques ou idéologiques peuvent aussi expliquer ce choix de vie. Par exemple, Fred, qui a répondu à notre interview, faisait partie d'un syndicat de l'ULB, ses convictions politiques profondes, comme le droit au logement,  l'ont conduit à ce choix de vie. Fred décrit un squat comme une manière de vivre et de gagner sa vie. Il récolte la nourriture jetée et invendue des magasins et organise des tables d’hôtes. On peut également citer une volonté artistique, des artistes voulant exprimer leur art dans ce type de logement.

Troisièmement, la  discrimination au logement d’un individu en raison de son  origine ethnique, de ses revenus ou de son âge peut pousser un individu à squatter. Une université de Gand a conduit une enquête sous  forme de test pour dénoncer la discrimination au logement .L'origine ethnique et la source des revenus sont ressortis comme étant les critères les plus discriminatoires.

 

 

Célia N’sele
Avec le soutien de la Fondation Roi Baudoin 

 


1  Depuis 2013, l’ASBL Communa réhabilite les bâtiments vides Bruxellois afin de les mettre temporairement à disposition de projets citoyens à haut impact sociétal.
2 La FéBUL est une association qui oeuvre à la réalisation effective du droit au logement en région bruxelloise. https://www.febul.be/

Sources :
Gatelier Amandine, De la lutte contre les logements inoccupés aux entreprises anti-squat,11 septembre 2011
Inforjeunes, Les squats : « une nécessité ? »,21 Septembre 2018
Marpsat Maryse, Dictionnaire du logement : Squat, mars 2015
Corbiau François, Loi anti-squat: quand le fédéral criminalise le droit au logement, alter echos n 452,2 octobre 2017
Rencontre Stéphanie avec 3 jeunes vivant dans un squat
Closson Nina, Loi anti-squat: un an après, Le Soir
Les Squats
S'installer illégalement dans un lieu inoccupé, squat,19 novembre 2015