Relations

Parcours similaires, destin singulier

1 août 2017

© Photo fournie par Rabia

Rabia est un jeune marocain de 25 ans. Il parle couramment le français grâce à sa maman, qui a eu la chance d'étudier dans différentes écoles françaises au Maroc. Le jeune homme se considère comme étant un citoyen du monde car il sent qu'il pourrait vivre dans n'importe quelle partie de la terre. Néanmoins, cela fait six années qu'il vit en Belgique et qu'il a développé des liens avec ce pays. Il continue donc à se battre à travers différentes démarches pour qu'on lui octroie un permis de travail.

 

En route vers l'Europe « Eldorado »

L'année 2006, a été bouleversante pour Rabia et sa famille au Maroc. Son père, qui subvient aux besoins du foyer, jusqu'alors, perd son travail du jour au lendemain. Cela pourrait ne pas vous toucher plus que cela, car des histoires similaires, nous en avons déjà entendues. Mais, prenez le temps de vous mettre, quelques minutes, à la place des membres de cette famille...

Rabia, très touché par cette situation, décide d'agir et trouve un petit boulot où il se rend après l’école. Cette année-là, il rate son année scolaire. Combiner deux les activités n'est pas facile pour lui. Il vend une grand partie des biens matériels familiaux et continue à travailler pour aider sa famille financièrement. Malgré le fait qu’il s'épuise en moyenne 10 heures par jour, il ne gagne pas suffisamment d’argent pour assurer le bien-être familial!

Suite à ces situations douloureuses auxquelles il est confronté, Rabia est habité par la colère et se sent impuissant. L’espoir renaît en lui lorsqu’il apprend que s'il arrive en Europe, il peut mieux gagner sa vie et ainsi pouvoir subvenir aux besoins de ses parents et de sa petite sœur. Il soumet l’idée à sa maman qui s'y oppose, mais il reste convaincu que le fait de rejoindre l'Europe est la solution.

 

Entre désillusion et persévérance

Rabia arrive dans un premier temps en Pologne. Ensuite il reprend la route et pose ses valises au Danemark chez son oncle où durant un année il espere y trouver de l'aide, ce qui, malheureusement, n'est pas le cas. La déception l’envahit quand il réalise qu'il ne peut pas compter sur sa famille à l'étranger. Son souhait en arrivant au Danemark est d'apprendre la langue, d’étudier et de découvrir d'autres choses, pourtant il prend conscience que lorsqu’on est étranger dans un pays que l’on ne connaît pas, tout est difficile.

Il décide alors d'aller en Italie où il retrouve un ami avec qui il essaye d'obtenir du travail. Mais encore une fois, il n'atteint pas son but.

Rabia continue sa route vers la Suisse et se rend dans une mosquée marocaine. Il envisage d'y trouver une solution auprès des personnes peuplant le lieu. On lui explique rapidement que la régularisation de sa situation est très difficile et on lui conseille de rentrer au Maroc. Cette nuit-là, les fidèles1 de la mosquée ne le laisse pas dormir sur place à cause de caméras qui y sont installées, craignant une descente de police.

Pourtant il garde un souvenir chaleureux de ce périple : « dormir dans un métro où il faisait chaud ... un métro souterrain où les personnes qui s'y trouvent parlent plusieurs langues ». Il ajoute que  « malgré le "confort " du métro, mon cœur ne cesse de battre la chamade car des policiers font des rondes avec des chiens durant la nuit .C’est lorsque l’on traverse ce genre de moment que l’on se rend compte que dormir est un luxe ».

De la reconnaissance à l'engagement

Toujours en Suisse, il communique avec une ancienne connaissance qui l’encourage à venir à Bruxelles en valorisant ses compétences linguistiques. Cette amie lui transmet les coordonnées d’une personne qui veut bien l’accueillir. C’est ainsi que quelques jours plus tard, Rabia se retrouve en Belgique.

Rapidement, il y trouve un travail à court terme en tant que garagiste.

Un jour, il fait la connaissance des membres du mouvement des sans-papiers. Ce sont des personnes qui ont traversé des parcours similaires au sien. C’est lors de cette rencontre qu’il entend le mot " squat ", et c'est là aussi qu'il prend connaissance d'un nouveau mode de vie. Il rejoint le parc Maximilien où se tient une action. Dans ce parc, il devient bénévole et peut bénéficier d’une petite tente pour dormir. Grâce à cela, il rencontre des associations qui viennent en aide aux réfugiés et aux sans-papiers.

Dans cet espace, Rabia fait la plus belle des rencontres : celle d’une petite fille syrienne.

« Dans le parc, il y avait cette petite fille qui est sortie de l’école installée sous une tente. Elle s’est dirigée vers moi et m’a demandé : Oncle, est-ce que tu peux venir traduire ce que je dis car j’ai besoin d’un jouet mais le monsieur en uniforme ne comprend pas ce que je désire. J’ai laissé les sacs poubelles que j’avais en main et je l’ai accompagnée chercher son jouet. Ainsi, j’ai pu traduire son souhait auprès de l’agent. La petite fille m’a remercié en me faisant un câlin. Cela faisait plusieurs années que je n’avais pas ressenti un tel bonheur».

« Le fait de pouvoir redonner le sourire à cette petite fille qui voulait juste un jouet m’a fait oublier pendant quelques instants mes souffrances et m’a fait comprendre que d’autres ont souffert encore plus que moi! ».

A partir de ce moment-là, un autre Syrien est venu vers Rabia, il était blessé et lui a demandé de l’accompagner chez le docteur, car l'ONG « Médecin du monde » se trouvait à coté. Voyant qu’il traduisait de l’arabe vers le français, les docteurs lui ont demandé d’être la voix des malades, ainsi que d'autres acteurs sociaux : assistants sociaux, avocats,...

De fil en aiguille, Rabia est devenu la voix de toute la plate-forme citoyenne qui se trouvait dans le parc.

Aujourd'hui son combat est d'obtenir le permis de travail : une lutte légitime !

 

1 personne qui adhère à une religion, croyant, ( Larousse, 2017)