Relations

A l'aise en Belgique et au Congo... bilan de parcours

12 décembre 2016

© Photo fournie par Prince Djungu

Prince Djungu nous offre un extrait de son livre « J'ignorais encore nager dans les flots de la vie ».

" Matinée d’août. Tourmenté dans mes sempiternelles réflexions sur mes choix d’étude, je reçois un coup de fil du pays. Au téléphone, c’est encore ma cousine Bijou. Elle se plaint de mon silence, de ma distance. Il est vrai, depuis mon arrivée en Belgique, nous nous étions peu appelés. J’essaie de lui expliquer que ce n’est vraiment pas de ma propre volonté, que c’est juste un concours de circonstance, elle,  est convaincue que l’Europe m’avait changé. Sachant pas trop quoi lui répondre, j’essaie de la rassurer : on se voit bientôt, lui dis-je. Dieu aidant, je viendrai à Kinshasa, je lui murmurai au téléphone. Dans le fond, elle avait un peu raison: L’Europe m’avait quand même changé. En effet, comme tous les jeunes de ma génération venant d’Afrique, j’ai été, moi aussi confronté au choc culturel et cela n’a pas été facile à  gérer.   Mais pour y arriver, j’ai dû passer par différentes étapes.

La première fut l’euphorie : nouveau pays, nouvel environnement, nouveaux amis. J’étais en extase et en ébullition, en mode découverte. Tout en Belgique m’émerveillait : les gens, le paysage. A cette phase,  s’est  vite suivie une étape un peu plus réaliste : tout n’était plus idéal. Je commençais à percevoir les dissemblances culturelles entre le Congo et la Belgique et même à  faire des comparaisons. Le mal du Congo commençait peu à peu à s’installer, la famille et les amis restés au pays me manquaient et je me sentais seul. Je n’avais qu’une  seule envie : rentrer.  Mais quand ? Je ne pouvais répondre à cette question. La seule solution qui me restait  était de m’accrocher. Pour s’y faire, j’avais deux options : soit m’adapter, -ce qui m’aurait conduit  à voir  la culture de mon pays d’accueil comme ma nouvelle culture, une sorte de synonyme de rejet de ma culture d’origine, soit refuser l’adaptation, en critiquant par exemple sans cesse la Belgique où  je vivais et en pensant toujours au retour au pays. Ces deux postures me laissaient dubitatif.

La première aurait fait de moi ce que  certains qualifient de « bounty », terme péjoratif pour qualifier les personnes (noires)   qui détiennent une culture occidentale tout en étant non-blanc, ce qui amène à un rejet de la part de la communauté d’origine.  La seconde m’aurait rendu aigri envers la société dans laquelle je vivais.  Moi, je décidais d’adopter une autre attitude : prendre le meilleur des deux, être à l’aise aussi bien dans ma culture d’origine que celle de mon pays d’accueil.  Caméléon diraient certains, chauve-souris pourraient ajouter d’autres, mais moi je me sentais bien dans cette posture et souvent c’étaient les regards et les attitudes des autres qui me renvoyaient à ma différence."

« J’ignorais encore nager dans les flots de la vie », Bruxelles, Editions du Pangolin et Editions Mabiki, 2016, page 38. 

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