Nord/Sud

Du Congo aux tatamis, l'épopée de Christophe Mputu

27 novembre 2015

© Photo fournie par Christophe Mputu

Si selon certains, nous traversons une crise migratoire, n'oublions pas que les réfugiés ne sont pas juste des statistiques. Le parcours de Christophe Mputu nous a touchés. Parti du Congo à 16 ans, après de nombreuses difficultés, il a trouvé sa place en Belgique grâce à sa passion pour les arts martiaux. Maître en ju-jitsu, plusieurs fois champion de Belgique, il nous raconte une véritable success story.

 

Des débuts difficiles : un ordre de quitter le territoire

Christophe Mputu atterrit pour la première fois en Belgique en 2002. Directement, il entreprend les démarches pour introduire une demande d'asile. Il suit donc la procédure administrative classique : présentation à l’Office des Etrangers, inscription, puis par la suite, convocation et audition.

"Je suis venu en Belgique tout seul, sans mes parents, alors que  je ne connaissais personne."

Comme il ne dispose d'aucune attache, il est placé en centre pour réfugiés. Après trois mois d'attente, il obtient finalement un titre de séjour provisoire (carte orange) qui lui donne accès aux soins de santé ainsi qu'à un revenu d'intégration sociale (CPAS). Mais la situation se complique quand il reçoit l'ordre de quitter le territoire. Son avocat le laisse tomber, en lui expliquant qu'il ne dispose pas d'éléments suffisants pour introduire un recours. Avec le peu de revenus qu'il a, il économise pour pouvoir se payer les services d'un autre avocat. Malheureusement, ce dernier lui donne la même réponse.

"On m'a expliqué que faute d'éléments suffisants pour pouvoir rester en Belgique, la seule solution qui me restait était de trouver une femme de nationalité belge et de lui faire un enfant."

 

Carte « A », Carte « B »… et finalement carte blanche pour la Belgique !

Mais Christophe est croyant, pas question d'abandonner. Malgré la gravité de la situation, il garde espoir. "La Bible dit que la foi peut déplacer des montagnes." L'acharnement finit par payer. En faisant valoir tous les efforts qu'il avait entrepris jusque-là pour s'intégrer (formations, fréquentations des clubs de sport), il réussit finalement à convaincre son avocat d'introduire un recours. En moins de trois mois, il obtient la carte « A », aussi appelée certificat d'inscription au registre des étrangers (C.I.R.E.), lui octroyant un titre de séjour temporaire d'un an. Comme la chance sourit aux audacieux, il décide de se rendre à la commune pour demander de convertir sa carte « A » en carte  « B » pour un séjour illimité.

"On m'a dit que j'étais fou et que j'avais déjà bien de la chance d'avoir eu une réponse positive."

Devant son insistance, le responsable accepte de transmettre sa demande à l'Office des étrangers. La réponse ne se fait pas attendre : positive. Christophe a désormais « carte blanche » pour s'installer durablement en Belgique... 

 

Une intégration par le sport

Dès sa sortie du centre pour réfugiés, il est pris en charge par l'association "Mentor-Escale[i]", qui aide à son insertion en lui proposant des cours de langue, ainsi qu'un soutien scolaire. Entretemps, Christophe n’oublie pas sa passion pour les arts martiaux. En effet, il pratique le ju-jitsu depuis l'âge de 6 ans. Au Congo, il était même ceinture noire. Et comme c'est un art qui mélange plusieurs disciplines, il maîtrisait également le judo.

En 2005, il se met donc à la recherche d'un bon club de sport. Grâce à Mentor-Escale, il obtient l'adresse de la salle de sport de l'Université Libre de Bruxelles. C'est alors que tout commence... Dès les premières séances d'entraînement, le professeur de ju-jitsu et le professeur de judo remarquent son potentiel. Tous deux font leur possible auprès de la Fédération Francophone Belge de Judo et arrivent à lui procurer une licence sportive. Christophe se rend ensuite à la Fédération pour obtenir l'équivalence de son diplôme de ceinture noire. Grâce à cette homologation, il obtient le droit de participer aux compétitions.

En 2006, l'équipe nationale de judo le remarque et lui propose de participer à un tournoi international de judo qui se tient à Nivelles. Il gagne tous ses combats et remporte la médaille d'or. On lui propose alors de participer au championnat national de ju-jitsu.

"J'aurais dû gagner. Mais j'ai perdu des points car je ne connaissais pas encore bien les règles."

Il se hisse tout de même à la troisième place du podium et repart avec la médaille de bronze. Il est intégré à l'équipe nationale et peut désormais combattre dans des compétitions de haut niveau. Commence alors une carrière faite de voyages et de rencontres, et de victoires.

 

Happy end  !

Christophe Mputu profite de son succès pour ouvrir une école d'arts martiaux au Congo, spécialement pour les enfants des rues.

En 2008, le CPAS d'Ixelles, qui entend parler de ses prouesses, lui propose de travailler comme médiateur-steward au sein de ses locaux. A l’heure actuelle, Christophe travaille toujours au même endroit.

Christophe se sent parfaitement intégré à la société. Les liens d'amitié noués avec le professeur de ju-jitsu de l'ULB ne se sont jamais rompus. Quelque temps après leur rencontre, sentant qu'il commençait à prendre de l'âge, le professeur de ju-jitsu a proposé à Christophe de le remplacer pour donner les cours de ju-jitsu.  Dix ans plus tard, Christophe est l'entraîneur officiel de l'ULB.

Christophe exprime toute sa reconnaissance à l'association "Mentor-Escale" et à son équipe de bénévoles qui apportent aux jeunes réfugiés une aide vraiment précieuse.

 


[i] "Mentor-Escale" est une association qui s'occupe de l'accompagnement des MENA (Mineurs Etrangers Non Accompagnés) et des jeunes refugiés dans leur parcours vers l'autonomie, en vue d'une intégration réussie. L'asbl Mentor a été créée en 1995, à l'initiative de François Casier, un chef d'entreprise sensibilisé à la question des réfugiés et qui a décidé de monter un programme de parrainage pour accompagner les jeunes qui sortent de centres d'accueil. En 1997, l'asbl fusionne avec Escale, une association qui héberge des réfugiés mineurs non accompagnés. Ils arriveront à obtenir le soutien du Ministère de l'Intégration, ce qui leur permettra de renforcer le pôle "soutien scolaire". Aujourd'hui, l'association propose un accompagnement individuel personnalisé ainsi qu'un travail éducatif de groupe. Concrètement, leur aide permet à un jeune réfugié de vivre de façon autonome, de suivre une scolarité ou une formation de qualité, de bien gérer l'aide sociale qui lui est accordée, de renforcer son réseau social, d'être conscient de ses droits et devoirs en tant que citoyen.