Convictions

Véronique Lefrancq du cdH : un visage de la diversité culturelle en politique

23 mai 2014

© Photo fournie par Véronique Lefrancq

Véronique, 41 ans, est issue d'un mariage mixte belgo-marocain. Son père est belge et sa mère est d'origine marocaine. Echevine à la commune de Koekelberg, elle a grandi en conjuguant très tôt ces deux cultures différentes qui incarnent pour elle une vraie richesse. « J'ai énormément d'affection pour les deux cultures et je jongle souvent de l'une à l'autre comme beaucoup d'enfants biculturels. A la réflexion, nous sommes tous des enfants de la diversité ! »

Portant un nom et un prénom de la culture majoritaire, Véronique estime ne pas avoir vécu de situations discriminantes de façon directe. Durant les premières années de  sa vie, elle a grandi en France et au Maroc. Diplômée en finances, la voici depuis 2012 échevine de l’environnement, de la propreté publique, des finances, de l’égalité des chances et du sport à la commune de Koekelberg où elle exerce un travail de terrain qui lui plaît vraiment.  « Je fais ce travail avec énormément de passion et de dynamisme.  J’ai pu mettre en place des projets qui ont un impact direct sur les habitants. J’en tire beaucoup de satisfaction ».

Etant issue d’une union mixte, l’échevine cdH (centre démocrate Humaniste) n’envisage pas de porter un projet à destination d’une seule communauté, ce serait à l’encontre de tout ce qu’elle croit et ce pour quoi elle s’engage. « De toute évidence, je fais de la politique pour des projets collectifs qui se veulent fédérateurs. Le cloisonnement d’une société est un frein à la cohésion sociale et au dialogue interculturel», insiste-t-elle.

Son engagement en politique

Engagée en politique depuis plus de dix ans,  Véronique a décidé de s’impliquer activement dans les défis de société qui s’imposent à nous « Mes priorités sont d’apporter des solutions concrètes à l’accès à l’emploi, au logement, l’accompagnement des jeunes, soutien aux personnes âgées, la lutte contre les discriminations et le racisme…».

Selon elle, un projet politique ne doit jamais être individuel : il doit être porteur d’un projet de société beaucoup plus en concertation avec les acteurs de la société civile et les pouvoirs publics. Faire de la politique constitue pour l’échevine à Koekelberg, la continuité de ses engagements effectués auparavant dans le monde associatif (féminisme, lutte contre le racisme).

Depuis environ sept ans, Véronique est aussi conseillère auprès de la Ministre fédérale de l’égalité des chances sur toutes les thématiques liées aux politiques de promotion de la diversité, à la lutte contre le racisme et contre les discriminations. Son travail consiste également à trouver les moyens pour déconstruire les préjugés et stéréotypes ainsi que les outils pédagogiques à mettre en place pour sensibiliser aux niveaux de l’enseignement et du secteur associatif.

Au vu des regards portés sur les communautés italienne et marocaine, celles-ci sont-elles logées à la même enseigne en ce qui concerne leur intégration politique?

Avec la mondialisation et les vagues migratoires qu’a connues la Belgique, la société belge a complètement évolué. Le projet européen a facilité l’intégration de la communauté italienne. Aujourd’hui, il existe une « citoyenneté européenne » qui permet de construire une identité commune dans laquelle un suédois, un belge ou un italien… se reconnait.

Véronique estime que le socle culturel européen et le socle religieux commun font que l’intégration des immigrés italiens est différente de ceux appartenant aux communautés maghrébines. Pour les marocains, la donne est différente. Ceux-ci ont décidé de s’installer réellement mais la Belgique s’est retrouvée face à cette communauté dont elle ignorait les us et coutumes.

Peu à peu, suite à la montée de l’extrême droite à la fin des années ’80, la montée du Vlaams Blok et les émeutes de Forest, il a fallu trouver des politiques d’intégration réfléchies.

Aujourd’hui, il est certain que le regard porté sur ces deux communautés est  totalement différent. L’une, totalement intégrée, fait partie du paysage belge. L’autre, est intégrée physiquement mais l’évolution des actes islamophobes montre que cette communauté est victime de stéréotypes. Le mental collectif a complètement changé vis-à-vis de cette communauté marocaine. Il y a une crainte par rapport à elle et des termes très durs sont utilisés à son égard.

Véronique Lefrancq déplore les discours populistes qui visent à opposer une communauté à une autre et à attiser la peur. La stigmatisation d’une communauté et/ou de ses pratiques culturelles ou religieuses renforce le sentiment d’exclusion auprès des membres de cette communauté et ne favorise pas le vivre ensemble. Mais la conseillère au Ministère de l’Intérieur pousse la réflexion plus loin et s’interroge sur ce qu’on ne tolère plus finalement.  « Le racisme a changé de visage. Autrefois, il était lié aux prétendues races, à présent il est beaucoup plus insidieux en prenant une forme de rejet des différences culturelles ».

Le lien entre la participation politique et l’intégration du citoyen d’origine étrangère

La participation politique du citoyen est éminemment importante. Dans les années ’70, après toutes ces vagues migratoires, personne n’a pensé que les migrants s’engageraient politiquement. Engagés néanmoins par le biais des syndicats, ceux-ci étaient beaucoup plus confinés dans la vie socio-économique que dans la participation politique.

Le vote étant obligatoire en Belgique, on peut reconnaitre que le jeu démocratique fonctionne bien. Certains parlements reflètent bien la réalité de la société dans laquelle nous vivons. Aujourd’hui, les immigrés sont des élus et des votants potentiels.

L’enjeu des élus issus de l’immigration est de se positionner sur l’échiquier politique. L’important est de se décomplexer et assumer tous ces combats politiques. Véronique ajoute qu’elle a envie de leur dire « que ces élus continuent à marquer le débat politique par leurs multiples engagements et s’impliquent avec force dans la réussite du défi de la diversité et du respect qui nécessitent plus que jamais un relais sur la scène politique.»