Convictions

Alyssia : « je trouve la source de mon engagement au-delà des croyances religieuses »

12 juin 2015

© Alyssia

Alyssia, 28 ans, diplômée en médecine générale, vient de finir une spécialisation en médecine tropicale. Attirée depuis de nombreuses années par l'engagement humanitaire, elle a rejoint Médecins sans Frontières (MSF). Sa famille est de tradition catholique, mais elle a choisi de ne pas suivre une croyance religieuse. Selon Alyssia, penser qu'il y a quelque chose au-dessus de nous relève de l'irrationnel.

La religion n’a pas le monopole de la foi

Aujourd’hui, lorsqu’on parle de foi, on l’associe très souvent à l’adhésion à une religion, par exemple, à la religion chrétienne. Or, le terme recouvre des définitions bien plus variées ! En consultant les dictionnaires de référence, on constate que la « foi » signifie  la confiance, la sincérité et la fidélité dans ses engagements ou ceux d’autrui. Pour Thierry Tilquin, auteur de l’article « Adultes et jeunes : ruptures de transmission de valeurs et de foi », la foi serait « une dimension constitutive de l’être humain […] et croire [serait] faire un pari de sens sur l’existence humaine ». La religion n’aurait pas le monopole de la foi. C’est une partie intégrante de l’homme.

En Belgique, la religion : un choix, plus qu’un héritage

Alyssia  a choisi de s’engager dans la solidarité et l’humanitaire. Sa famille est catholique, mais à l’exception de sa nonna (ndlr « grand-mère ») qui faisait les pèlerinages à Lourdes — les autres ne sont pas pratiquants.

Après avoir fait son baptême et sa première communion, sa mère lui demande si elle souhaite continuer son parcours de rituels catholiques. Face à ce libre choix, Alyssia décide d’en rester là. Il est très difficile pour elle de s’imaginer qu’un dieu puisse exister.  Elle prend conscience également que les religions sont souvent au centre des conflits. Alyssia s’interroge :

« Comment une religion qui tend à promouvoir la paix peut-elle conduire à tuer, à vouloir blesser en son nom ? »  

Elle décide donc non pas de changer de religion, mais de n’en pratiquer aucune et de rester ouverte et respectueuse envers les  croyants.

En effet, comme beaucoup de jeunes belges, Alyssia a eu la possibilité de décider de sa propre croyance. C’est aussi une constatation de Thierry Tilquin qui note qu’aujourd’hui, la transmission de la religion se ferait d’avantage de manière horizontale. Nos relations nous influenceraient bien plus que l’héritage culturel de nos parents. Nous ne recevons plus la religion comme un héritage mais nous décidons de la choisir.

La tolérance : une valeur primordiale entre croyants et non-croyants

Alors qu’elle est aux études en médecine, la question du foulard islamique éclate. Peut-on garder son foulard lorsqu’on travaille en tant que médecin ou stagiaire ? Elle discute avec plusieurs étudiantes voilées. Certaines sont poussées à le retirer ou ne sont pas acceptées en stage. Alyssia ne comprend pas pourquoi il y a aussi peu de tolérance vis-à-vis des signes religieux. Si le médecin doit accepter le patient indépendamment de son genre, de son statut social, de son niveau intellectuel ou de ses choix philosophiques et religieux, pourquoi la relation inverse ne pourrait-elle pas être possible ? Et surtout pourquoi un médecin qui doit respecter son patient lambda ne peut-il pas tolérer son collègue portant des signes religieux ?

Pour elle, il y a un problème de tolérance. Les croyants et les non-croyants devraient apprendre à se tolérer, à aller au-delà des apparences et à se respecter. La religion devrait être une source d’ouverture et de respect de l’autre, plutôt qu’être l’origine ou l’objet de conflits. Les valeurs ne dépendent pas d’une croyance religieuse, mais sont intrinsèques à chaque être humain, chaque culture.

A ce sujet, lors de ma rencontre avec Alyssia, nous avons évoqué les débats sur l’obligation de suivre des cours de religion et morale ou non. Venant toutes les deux d’écoles et d’université de tradition catholique, nous nous sommes interrogées sur la nécessité d’ouvrir le regard des élèves et de fournir de la matière pour promouvoir leur esprit critique en dispensant des cours des religions plutôt qu’un cours ne couvrant qu’une seule religion. Les convictions religieuses doivent être respectées, mais selon moi, leur enseignement ne devrait pas passer autrement que par les parents et les activités extrascolaires.

L’ouverture d’esprit et la curiosité intellectuelle à la source de ses rencontres avec des croyants

Malgré le fait qu’elle n’ait pas de croyance religieuse, Alyssia choisit d’être ouverte aux autres et de pouvoir discuter de ses choix avec des croyants. Parmi ses amis, on peut compter, entre autres, des musulmans, des juifs, des catholiques. Elle prend conscience de la diversité religieuse de ses amis lorsqu’un événement arrive, comme un décès ou un mariage, ou simplement en partageant leur quotidien. Les questions philosophiques sur la vie, la mort, sur la nourriture, les rites se posent d’elles-mêmes. La curiosité intellectuelle de chacun permet de faire émerger la discussion. C’est lors de ces conversations qu’elle remarque que certains jeunes catholiques continuent de suivre certaines des traditions, plus qu’elle ne le pensait. Certains respectent les rites du carême, la virginité avant le mariage ou s’engagent dans les Journées Mondiales de la Jeunesse…

Le moteur de son engament : la fidélité à son projet de vie

Alyssia, pour qui la société semble bien triste par moment, comprend que croire en un dieu peut aider certains à se rassurer. Mais en ce qui la concerne, elle trouve qu’il est difficile à l’heure actuelle de croire encore en un dieu.

« Tout part en vrille, que dois-je faire ? »

Si elle est là aujourd’hui, selon elle, c’est pour aider les autres. Ce n’est pas parce qu’elle a choisi de quitter la voie catholique qu’elle en a délaissé la valeur de la solidarité. Quand elle réfléchit à sa vie, elle a le sentiment de ne pas avoir encore vécu grand-chose. Avec l’expérience, au fil des rencontres, peut-être sera-t-elle bouleversée par un évènement ? En attendant, elle me lit une citation de Yasmina Khadra qui l’a touchée et qui lui correspond :

« Chaque homme est son propre dieu. C’est en s’en choisissant un autre qu’il se renie et devient aveugle et injuste. »